Dans les rues de Tachkent
Il en va de Tachkent un peu comme de Bichkek, Och ou Almaty… : on y passe le plus souvent une ou deux journées à l’arrivée dans le pays ou au moment du départ, sans grande envie d’approfondir ou de s’éterniser.
Tachkent se répand sur des kilomètres et des kilomètres, ville « neuve » faite de grands boulevards urbains et de voitures, secouée de temps à autres par de violents tremblements de terre dont le dernier majeur en date, celui de 1966, raya de la carte des quartiers entiers, jetant à la rue près de 300 000 personnes.
Les nids de cigogne posés sur les poteaux électriques entre Samarcande et la capitale laissent progressivement place à d’immenses panneaux publicitaires, de mornes barres d’habitation, des mosquées flambant neuves et des places démesurées aux platanes coupés courts suite à quelque coup de folie du président Karimov. Un peu partout aussi, d’étranges sculptures de pélicans s’élèvent au-dessus des toits, histoire de conjurer le mauvais sort.
Sur la place centrale, l’imposante statue équestre d’Amir Timur domine la ville comme partout ailleurs dans le pays, et comme bien d’autres avant elle : Constantin von Kauffman, Lénine, Staline, Karl Marx…
Tachkent était « autrefois » la quatrième plus grande ville d’URSS. De son passé soviétique, la capitale a conservé un étonnant réseau de métro souterrain (le seul d’Asie Centrale), de gigantesques avenues boisées tracées au cordeau et toute une série de bâtiments à l’architecture brutaliste, dont l’Hôtel Uzbekistan est le symbole.
L’heure, toutefois, n’est pas à la conservation et pour les nouveaux dirigeants du pays, lancés dans une course folle à la construction/déconstruction, seul importe de reconquérir pour Tachkent le titre « d’Étoile de l’Orient », quitte à tirer un trait sur toutes les richesses patrimoniales.
Heureusement, il en faut plus pour ébranler la ville populaire qui, loin des centres de pouvoir, se déploie nonchalamment. Dans les quartiers périphériques, le modernisme s’éclipse au profit de ruelles bordées de peupliers et de maisons en adobe, de pains chauds servis sur des étals au matin et de barbes blanches saluant les touristes de passage en joignant en une seule phrase Joe Dassin et Louis de Funès.
La vieille ville s’ouvre du côté du bazar Chorsu, paradis des épices et des fruits sucrés, les étals croulant sous des montagnes de raisins, d’abricots secs, d’amandes et de fèves grillées.
Place Khast Imam, bordée par la mosquée du vendredi Hazrati Imam (2007), le mausolée Abou Bakr Kaffal Chachi (XVIe siècle) et la médersa Barak Khan (XVIe également). Au centre de la place se tient le musée-bibliothèque Moyie Mubarek, dont les murs abritent le Coran d’Osman, considéré comme le plus ancien au monde (VIIe siècle).
Tachkent est une ville carrefour mélangeant tout ce que l’Asie Centrale compte d’histoires et de visages : des populations d’origine turque et iranienne, russe, ukrainienne, mongole, chinoise et coréenne. Cadenassée durant plus de vingt ans, la ville retrouve aujourd’hui des couleurs. La vie culturelle reprend, bouillonnante, dans le sillage du théâtre expérimental Ilkhom, rendez-vous de l’avant-garde contemporaine depuis la fin des années 1970. Quant à la jeunesse, libérée du corset Karimov, elle peut enfin regarder droit devant elle,réinventant pour le pays un avenir sans frontières.
Visiter Tachkent : conseils pratiques
Tachkent s’écrit hors des guides, hors des circuits de visite, presque hors des regards… Que cela ne vous décourage pas pour autant, la ville est loin d’être inintéressante !
Transports
Tachkent est à ce jour la seule ville d’Asie Centrale à posséder un métro, dont les stations sont paraît-il très belles. Profitez-en si votre logement se trouve à proximité. Dans le cas contraire, il vous faudra affronter les taxis ouzbeks, particulièrement coriaces. Les courses, quand elles sont négociées depuis l’hôtel, sont généralement très peu chères (10 000 soums payés pour un trajet de 5 à 10 km, soit environ 1 euro…). Marchandez seuls et vous verrez en revanche les tarifs être multipliés par trois ou quatre. Attention : si on vous annonce « ten », ce qui est généralement le cas puisque personne ne s’embarrasse du « thousand » à l’oral, précisez bien « soums » et pas « dollars »… Vous ne verrez peut-être pas beaucoup de taxis officiels parcourir les rues : agitez simplement la main, paume tournée vers la terre, et vous serez à coup sûr récupéré par quelqu’un.
Visites
On n’a pas pris le temps de visiter les musées de la ville (Musée des Arts décoratifs, Musée d’Histoire d’Ouzbékistan, Musée des Beaux-Arts) mais ce ne sont pas les lieux culturels qui manquent à Tachkent. Si vous visitez le pays hors période estivale, jetez un œil à la programmation du théâtre Ilkhom ou à celle de l’Opéra Navoï.
Une chambre
Si vous ne restez sur Tachkent qu’une nuit en transit, l’Amir Khan Hostel, situé à 15 minutes à pied de l’aéroport, est pratique et peu cher. Plus proche du centre, le Jules Verne Hostel est tout neuf, impeccable, et le patron est de bon conseil. En revanche, le métro se trouve à plus de vingt minutes à pied.
Une cantine
On pourra difficilement vous conseiller puisque l’on a surtout exploré le quartier situé à proximité de l’hôtel (dans les environs du Jules Verne Hostel, le Mazali Makon est une valeur sûre !). On peut quand même vous dire qu’avec un budget généreux — pour l’Ouzbékistan — le restaurant du Hyatt (« Khiva ») est un régal. Autre ambiance : les stands de « street-food » du bazar Chorsu valent également le détour !
Plov plov plov
Le plov de Tachkent, plat emblématique à base de riz, de légumes et de viande, est considéré comme le meilleur du pays. C’est du moins ce qu’en disent les habitants de la capitale…Nous, on vous conseille de ne pas faire de jaloux et de goûter à la fois le plov de Boukhara, le plov de Samarcande, le plov de Tachkent, le plov des monts Nourata, le plov de Ferghana… On vous le répètera un peu partout en Asie Centrale : all you need is plov.
Tachkent, juin 2019