Premiers pas au Népal : Bardia et la région du Terai
Le Népal que nous découvrons une fois franchie la frontière avec l’Inde n’a pas grand chose à voir avec l’image que nous nous en faisions juste quelques mois plus tôt. A peine réalise-t-on que l’on change à nouveau de pays. De part et d’autre de la frontière aucun bouleversement notable. Toujours du bruit, des motos qui pétaradent, des bus qui brinquebalent, des vaches qui sommeillent au milieu de la chaussée, toujours des gens qui vont et viennent, des couleurs et l’hindouisme qui prédomine.
Une entrée en matière par le sud-ouest : première étape le Teraï
Ici, pas de sommets flirtant avec les nuages, de drapeaux de prière claquant au vent, pas de Sherpas, de yéti ou de temples bouddhistes qui émailleraient le moindre surplomb façon confetti. Tout au sud du pays, le Teraï est aux antipodes des cartes postales himalayennes.
Le sud du Népal est une vaste bande de terre humide (traduction littérale de « Teraï ») préfigurant la grande plaine fertile du Gange. Une étendue de basse altitude, recouverte de jungles impénétrables, de prairies marécageuses, de savanes et de terres agricoles.
Pour attaquer nos deux mois népalais, nous décidons de tenter une entrée par le sud-ouest, loin des axes de passage. En raison de leur éloignement des grands points de convergence touristique (vallée de Katmandou, région de Pokhara ou de l’Everest) et de la médiocrité des réseaux de transport locaux, les extrémités orientales et occidentales du pays sont les grandes oubliées des virées népalaises. Notre arrivée dans le Téraï se fait donc avec très peu d’images en tête, des informations réduites à la portion congrue, pas d’attentes réelles ou d’a priori une fois dégagés les clichés himalayens. Tout reste à découvrir.
Malgré tout, notre approche par l’ouest n’est pas non plus tout à fait due au hasard. Passer par Lucknow constitue une option beaucoup plus confortable que de filer vers le Népal depuis Varanasi, et le poste-frontière de Nepalganj présente un avantage majeur : nous rapprocher au maximum du parc national de Bardia.
Au cœur de la jungle
Le Népal compte plusieurs parcs naturels protégés, dont deux grands parc nationaux situés dans la partie sud du pays, incontournables pour les amateurs de safari (que nous ne sommes pas encore à ce stade).
Chitwan, le premier parc national créé et le plus facile d’accès depuis Katmandou et Pokhara, figure au menu de très nombreux voyages au Népal.
Le second parc, Bardia, le plus grand du pay, n’est accessible qu’au prix d’une quinzaine d’heures de bus depuis l’une ou l’autre des deux grandes villes – de quoi décourager bon nombre de voyageurs. Conséquence numéro 1, Bardia connait une affluence bien moindre que Chitwan avec à peine une poignée de jeeps sillonnant le parc en haute saison. Conséquence numéro 2, cette fréquentation quasi nulle se traduit par une probabilité démultipliée de croiser la star des safaris népalais : le tigre du Bengale (125 spécimens recensés en 2022 à Bardia).
| Que faire, que voir dans le parc de Bardia ?
Nos visas népalais en poche, nous nous installons pour 5 nuits au Bardia Homestay avec un programme relativement simple et efficace : passer trois jours à l’intérieur du parc à traquer tigre, rhino et éléphant, plus une quatrième journée à sillonner la campagne environnante.
Notre guide pour l’occasion se prénomme Balé – tête brûlée au rire facile et à la perception proche de zéro du danger.
En trois jours de jeep, marche et bateau, nous croisons pratiquement tout ce que le parc compte de résidents « secondaires » : daims, macaques, langurs, crocodiles, chacal, mangoustes, sangliers, toucans, ibis, aigrettes et rapaces en pagaille…
Concernant le « big three » (tigre, rhino, éléphant), Balé se révèle doté d’un flair extraordinaire et d’une propension hors du commun à se placer littéralement sur la route du trio gagnant.
Notre première rencontre se produit au terme d’une longue heure d’affut et de dialogue pachydermique mené par Balé. Quand un éléphant colossal finit par émerger sous le couvert des arbres, Balé se met à crier : « run, run, it’s a nasty one – courez, c’est un méchant éléphant ». « S’il traverse la rivière il nous écrase ». Résultat des courses (ou plutôt de la course – un sprint magistral) : aucune photo, des pulsations cardiaques flirtant avec les 500 battements par minute et un Balé au bord de l’euphorie.
Deux jours plus tard, c’est un rhinocéros en plein bain que Balé s’en va chatouiller, juché sur un canoë pneumatique à moitié enlisé dans les cailloux. L’animal charge immédiatement toute corne dehors. « Pagayez en sens inverse ! », hurle le commandant Balé à un équipage atterré. Sire rhino, heureusement, est le roi de l’esbroufe et son entreprise d’intimidation couronnée de succès, il se carapate au milieu des roseaux.
Le tigre ? Nous n’aurons (par chance) pas croisé sa route…
Tous les lodges proposent plus ou moins les mêmes formules : jeep, bateau et randonnée à pied dans la jungle.
- La jeep permet de s’aventurer en profondeur dans le parc et de couvrir une distance importante, tout en maximisant ses chances de croiser des animaux. Tout dépendra du logement ou de l’organisateur choisi, mais l’objectif est de rendre l’expérience « confortable », avec 4 voyageurs tout au plus embarqués par jeep (plus un chauffeur et un guide au besoin).
- La journée en bateau sur la rivière Karnali et ses affluents constitue une alternative intéressante au tour en jeep, qui permet d’approcher les animaux venus se désaltérer et de profiter encore davantage du cadre grandiose offert par Bardia.
- Enfin, la balade à pied au milieu d’une mer de roseaux et d’herbes hautes à l’affut du moindre bruit est aussi impressionnante qu’affolante. Les consignes, énoncées avec pour toute protection un mince bâton de bois, se limitent à peu près à « ne tournez jamais le dos au tigre, et si vous vous faites charger par un rhinocéros ou un éléphant, courez vous dissimuler derrière un gros tronc d’arbre ». Pour la petite info, le Népal est le seul pays au monde à autoriser ce genre d’excursion à pied en zone « tigre »…
Les trois approches se complètent et permettent d’apercevoir un grand nombre d’animaux. Certains lodges proposent également des nuits perchées dans les arbres, ou des expéditions à pied sur les traces des rhinocéros, mais nous avons eu notre dose de sensations fortes…
| Quand venir et combien de temps rester dans le parc de Bardia ?
Nous vous recommandons de passer au minimum deux journées complètes dans le parc. Comptez trois jours pour réellement en profiter, plus une journée supplémentaire pour explorer la région et les villages alentour. Les tours en jeep et en bateau ne valent le coup qu’à la journée, afin de ne pas courir après le temps et de quitter les grands axes (certes peu battus à Bardia). Pour ce qui est de la balade à pied, un peu échaudés par les exploits de notre guide casse-cou, nous nous sommes limités à une demi-journée d’expédition. Ce repli nous a fait manqué le tigre mais pas l’observation de rhinos ni celle d’un énorme serpent lové sur une poutre au-dessus de nos têtes dans la guérite d’observation…
Si la meilleure période pour explorer le parc s’étend en théorie de septembre à mi-décembre, et de début février à fin mai, en octobre les herbes étaient trop hautes pour nous permettre de bien distinguer les animaux, a fortiori le tigre qui avançait caché. Vos chances seront probablement plus grandes de l’apercevoir en mars et en avril, juste avant la saison des pluies.
Découvrir la région : autres conseils
| D’un village à l’autre
Aussi décoiffante que soit l’expérience safari (au sens figuré comme au sens propre), la découverte de la plaine du Teraï et des villages éparpillés tout autour du parc contribue aussi largement au charme de Bardia. De nombreuses communautés vivent dans la région, parmi lesquelles les Tharus qui constituent le principal groupe ethnique du sud Népal. Divisés en clans, les Tharus parlent leur propre langue, disposent de leur propre culture, de leurs propres rites religieux, et tirent l’essentiel de leurs revenus de la pêche, de la culture du riz, de l’orge et du maïs.
La faiblesse du tourisme à Bardia rend les rencontres plus faciles qu’ailleurs. Pas de mise en scène, de sollicitations et pas d’agacement à voir les voyageurs sillonner la campagne à pied ou à vélo. La vie à Bardia semble suspendue et nous prenons un plaisir fou à enfourcher nos bicyclettes et zigzaguer entre les plantations, les maisons aux toits de chaume, les buffles et les zébus sous une avalanche de Namasté joyeux. L’ambiance est plus magique encore dans la lumière dorée de fin de journée tandis que les corps s’extirpent des rizières, que les troupeaux se rassemblent, poussés à la baguette, et que les gamins s’égayent dans les champs.
| Où loger et où se restaurer dans la région de Bardia
Comme indiqué plus haut, nous avons posé nos sacs au Bardia Homestay, une belle guesthouse tenue par Budhi et Sonja, un couple hollando-népalais d’une gentillesse à toute épreuve. Les chambres sont simples mais confortables. Nous avons pris la majorité de nos repas sur place (hors « pique-niques », compris dans les journées de safari), tout en profitant des fins de journée pour siroter bière et lassi au Sunset Cafe, tenu par un couple franco-népalais.
Pour ceux qui souhaiteraient explorer la région plus en profondeur, Budhi accompagne également les voyageurs à travers tout l’ouest du Népal, notamment du côté du lac Rara.
| Rejoindre/quitter Bardia
La zone autour de Bardia a beau être merveilleuse, elle n’attire pas les foules tant elle est difficile d’accès.
Si, comme nous, vous arrivez d’Inde (peut-être l’option la plus simple pour visiter la région), organisez votre transfert depuis avec votre guesthouse en amont. Le gain de temps et d’énergie est considérable, sans compter que les transports en commun sont plus qu’aléatoires sur place. La jeep nous a récupérés au poste frontière de Nepalgunj , avant de filer vers l’hôtel. Au total, nous avons payé le transfert 6 500 roupies (environ 45 euros), pour un peu plus de 2 heures 30 de trajet.
Dans l’autre sens, et pour rejoindre Tansen (notre étape suivante), la jeep de l’hôtel nous a déposés à Ambassa où nous avons récupéré un premier bus pour Butwal (750 roupies par personne ; pratiquement 8 heures de trajet), puis un second bus qui a mis 2 heures supplémentaires avant d’arriver sur Tansen (100 roupies).
Des bus directs assurent la liaison avec Katmandou et Pokhara et font arrêt à Ambassa. Comptez 14 à 16 heures de route depuis la capitale, et 12 à 14 heures depuis Pokhara. Gardez néanmoins en tête que ces temps de trajet sont indicatifs et qu’il vous faudra probablement plus de temps encore pour naviguer sur les routes népalaises. Un conseil : découpez votre voyage en plusieurs étapes et prévoyez un arrêt à Tansen ou à Lumbini pour souffler un peu en chemin.
D’Ambassa, comptez 45 minutes de jeep/auto-rickshaw jusqu’à Thakurdwara, la zone où se concentrent les lodges de « Bardia ».
Bardia, Népal – octobre 2019