Inde

Delhlicieusement Vôtre

Il aura fallu dix ans d’allers-retours en Asie avant de se décider à aborder le sous-continent indien. Des années d’hésitation, d’idées arrêtées, de projections et compilation de récits de voyage pour essayer de trouver le mode d’emploi parfait. Résultat, on croit être rodé en arrivant à Delhi : on anticipe le monstre, la jungle urbaine, la métropole tentaculaire.

Habitations Old Delhi

Mais rien ne se passe de particulier. L’appréhension génère plus de stress que la ville en elle-même : personne ne nous harcèle, personne ne nous arnaque, personne ne s’intéresse à nous, ni à l’aéroport, ni dans l’enceinte de la gare, ni dans le métro, ni dans Old Delhi. Nulle part. La seule sollicitation consiste à appuyer sur le déclencheur d’appareils photo ou à dégainer notre plus beau sourire face aux caméras de dizaines de smartphones tendus en mode selfie.

Une mère et sa fille à Delhi
« Namaste, vous pouvez nous prendre en photo ? »

De 48 heures programmées, le délai maximal de survivance annoncé, on rempile jusqu’à 7 jours, élargissant chaque jour un peu plus notre champ d’exploration, happés par le flow urbain hors norme. South Delhi. New Delhi. Périphérie. Entre-deux. Connaught Place. Old Delhi.

Chandni Chowk Old Delhi
Visite guidée Old Delhi

Les rabatteurs s’accordent-ils des congés de juin à septembre ? Dégage-t-on une aura de coolitude insoupçonnée, capable de désamorcer toute tentative d’intimidation ? Ou bien Delhi échappe-t-elle à toute catégorisation, chacun y trouvant ce qu’il est venu chercher ?

Pas facile d’appréhender la ville tant celle-ci échappe aux définitions figées. La capitale indienne est à la fois fidèle à l’image que l’on donne d’elle – bouillonnante, sursaturée, frénétique, borderline, polluée, bruyante, encombrée – et totalement détonante là où on ne l’attend pas, cumulant patrimoine délirant, reconnaissances Unesco en pagaille, scène culturelle vibrante, street art, musées de premier plan, cuisine à tomber à la renverse et parcs luxuriants. Delhi est à l’image de l’Inde : un lieu de grand écart et de contraires, composite et protéiforme.

Lodhi Colony street art
India Gate Delhi
Hauz Khas Delhi, deux femmes assises dans un parc

Delhi step by step

Aussi impressionnante qu’elle soit, il faut laisser une chance à Delhi de montrer ce qu’elle a dans le ventre.

La ville est double, découpée entre deux univers qu’à première vue tout oppose : le chaos ambiant et l’entrelacs de ruelles médiévales d’Old Delhi, au nord, et les vastes artères arborées de New Delhi, au sud.

Qutb Minar Delhi

1 | New Delhi/South Delhi

New Delhi forme la partie « récente » de la ville. « Lutyens’ Delhi », du nom de l’un de ses principaux architectes (Edwin Lutyens), est inaugurée par les Britanniques et vole à Calcutta le titre de capitale du RAJ en 1931. La ville impériale se déploie alors de part et d’autre du Rajpath, « la voie royale », pompeux défilé de villas bourgeoises et de ministères bordés de frangipaniers.

Avec les années, les lieux de rencontre et les marqueurs artistiques et économiques de Delhi se déplacent néanmoins progressivement vers le sud, faisant voler en éclats l’ancien cadre colonial et engloutissant au passage tombes et palais médiévaux, autrefois périphériques.

Safdarjung mausoleum Delhi
Hauz Khas Delhi

Le sud de Delhi est un terrain de jeu inépuisable pour les amoureux d’architecture et d’histoire, l’ambiance plus décontractée et les larges parcs verdoyants de South Delhi se prêtant davantage à la déambulation que les ruelles embouteillées de la vieille ville.

Chiens endormis sous une voûte en pierre Lodhi Garden Delhi

Lodhi Garden

Notre exploration commence dans les allées du jardin de Lodhi, gigantesque poumon vert au cœur de New Delhi – 36 hectares de palmiers, bosquets, tombes royales des XVe/XVIe siècles et parterres de fleurs impeccablement entretenus servant de toile de fond aux foulées humides des joggers et baisers discrets des amoureux…

Lodhi Garden tombe
Lodhi Garden tombes

Lodhi Colony

Au sud-est de Lodhi Garden, les façades symétriques du quartier de Lodhi aimantent graffeurs et amateurs de street art issus des quatre coins de la planète. Lancé en 2015 par la St+Art India Foundation, le projet cherche à décloisonner les perspectives artistiques et faire de Lodhi Colony un « musée à ciel ouvert », accessible à tous. Une cinquantaine de messages engagés recouvre les murs du quartier, questionnant aussi bien les rapports de classes/castes que les dérives environnementales.

Lodhi Colony street art
Lodhi Colony street art
Lodhi Colony street art

Tombeau de Safdarjung

Un kilomètre plus loin se dresse le tombeau de « Safdar Jung » (Safdarjang), ancien nawab d’Oudh et vizir de l’Hindustan. Posé sur une haute plateforme aménagée en terrasse, l’édifice est un des derniers grands mausolées moghols construits à Delhi. Mi XVIIIe, le règne des sultans touche à sa fin, la ville a été mise à sac par les armées du souverain perse Nader Chah quelques années plus tôt, et l’empire ne représente plus qu’une infime fraction de ce qu’il était auparavant. Sous son gros dôme-bulbe le mausolée semble flotter hors du temps, à des années-lumière des artères congestionnées et des moteurs pétaradants de la capitale.

Safdarjung
Mausolée de Safdarjung Delhi
Tombeau d'Humayun Delhi

Tombeau d’Humayun

A l’extrémité est de Lodhi Road, le tombeau d’Humayun pousse le curseur encore plus loin : à peine une poignée de visiteurs en fin de journée, le cri des perruches pour tout fond sonore et la majestueuse silhouette du mausolée se découpant dans la lumière fauve du couchant… Le tableau a quelque chose de magique.

La tombe du second empereur moghol, construite en 1570, est le tout premier exemple de « tombe-jardin » à voir le jour dans le sous-continent indien. Bâtis sur le modèle des chahar bagh, des jardins persans à quatre quadrants symbolisant le paradis coranique, les gigantesques mausolées dynastiques vont devenir le symbole de l’architecture moghole, qui atteindra son apogée avec l’édification du Taj Mahal 80 ans plus tard, au XVIIe siècle.

Tombeau d'Humayun Delhi
Tombeau d'Humayun Delhi
Tombeau d'Humayun Delhi
Tombeau d'Humayun Delhi

Qutb Minar

Dans la périphérie sud de New Delhi, le site de Qutb Minar (XIIe/XIIIe) a droit – comme le tombeau d’Humayun – à son label Unesco.

La zone archéologique englobe certains des plus vieux monuments indo-musulmans de la ville : un fabuleux minaret en grès (Qutb Minar), plusieurs tombeaux, un portail finement ciselé (Alai-Darwaza) et la plus ancienne mosquée d’Inde du Nord, Quwwat-ul-Islam (« puissance de l’Islam »).

Qutb Minar Delhi, perruche et sculptures
Qutb Minar Delhi
Qutb Minar Delhi
Qutb Minar Delhi
Qutb Minar Delhi
Temple du Lotus Delhi

Temple du Lotus

South Delhi toujours, à sept siècles d’intervalle. Les 27 pétales de marbre blanc du Temple du Lotus accueillent depuis 1986 les fidèles du culte baha’i, un mouvement religieux apparu en Perse au XIXe siècle. L’étrange architecture du temple, en forme de fleur de lotus à demi entre-ouverte, se veut un trait d’union entre les différentes croyances présentes dans le sous-continent (hindouisme, islam, bouddhisme et jaïnisme).

L’accès au temple est ouvert à tous, à condition de faire silence et de ne prendre aucune photo à l’intérieur de l’édifice : le lieu est consacré à la prière et à la méditation.

Foule au Temple du Lotus Delhi
Temple du Lotus Delhi
Temple du Lotus Delhi

Swaminarayan Akshardham

Et si tout cela manque encore de flamboyant, traversez donc le pont de Nizamudin pour jeter un œil à la dernière superproduction religieuse en date : le temple Akshardham, monumentale pièce-montée en grès rose et marbre blanc inaugurée par la secte hindou Shri Swaminarayan en 2005, pour célébrer les « 10 000 ans » d’histoire indienne.

La sécurité pour accéder au complexe est draconienne et aucun sac ni aucun appareil électronique (téléphone et appareil photo compris) n’est autorisé à l’intérieur. Et qui dit pas d’appareil photo, dit pas de photo.

Kiara Soul Kitchen Delhi

New Delhi/South Delhi : où sortir

New Delhi compte plusieurs quartiers branchés réputés pour leurs restaurants, bars et boutiques de créateurs, fréquentés par la jeunesse aisée et les expats installés dans la capitale. Si le fameux « Delhi belly » vous file des sueurs froides, profitez d’une virée dans une de ces enclaves huppées pour entamer votre découverte de la cuisine indienne : s’y cachent certaines des meilleures tables de la ville.

  • Hauz Khas est certainement la plus intéressante de ces enclaves. Le site englobe un vaste parc, un réservoir du XIVe siècle, plusieurs ruines médiévales et un « village » rassemblant boutiques de mode, restos chics et galeries d’art. L’ambiance bohème d’Haus Khas attire artistes, designers et stylistes depuis la fin des années 80. Si vous vous sentez perdus, le Coast Cafe, un restaurant kéralais, et le Naivedyam sont deux valeurs sûres.
  • Plus au nord, à deux pas du jardin Lodhi, le Khan Market affiche un profil similaire, parc et patrimoine historique en moins. L’aspect très tendance des lieux se répercute sur les prix mais l’endroit est bien placé pour se restaurer avant d’attaquer la visite du quartier de Lodhi (Lodhi Garden, Lodhi Colony, mausolée de Safdarjung).
  • Autre possibilité, si vous résidez au Tatvamasi Homestay (on en reparle plus bas), foncez au « Greater Kailash II M-block market ». L’endroit regorge de restaurants divins (Carnatic Cafe, Kiara Soul Kitchen…). Moins bobo, le marché de nuit à proximité mérite lui aussi le détour.
Musée national de Delhi

2 | Au centre de Lutyen’s Delhi : Rajpath et Connaught Place

En son centre, au cœur de l’ancienne ville coloniale bâtie par Edwin Lutyens, New Delhi s’articule autour de deux grands boulevards : la voie « royale » Rajpath (« King’s way »), un long ruban cérémonial courant du Rashtrapati Bhavan à l’ouest, en direction de la porte de l’Inde à l’est ; et la « voie du peuple » Janpath, qui se déploie sur un axe nord-sud.

Le Rajpath forme la jonction entre les quartiers résidentiels du sud et l’agitation du nord de la ville. Symbole impérial pour les Britanniques, comme l’était le Fort Rouge quelques siècles plus tôt pour les souverains moghols, le boulevard relie entre eux les différents lieux de pouvoir de la capitale.

Rajpath Delhi
Rajpath et Porte de l'Inde Delhi

Tournez la tête plein ouest, vers l’extrémité occidentale du Rajpath, et vous apercevrez au loin Rashtrapati Bhavan, la résidence officielle du Président indien, conçue par Lutyens dans les années 1920 – comme la majorité des monuments de part et d’autre de l’artère.

A mi-chemin entre les bâtiments gouvernementaux et l’India Gate, au croisement du Rajpath et du Janpath, le Musée National – le plus grand du pays – abrite des collections de toute beauté : sculptures bouddhiques, miniatures mogholes, peintures de Tanjore et de Mysore… De quoi appréhender l’histoire et la culture indienne de façon accélérée. La National Gallery of Modern Art se situe un peu plus loin, au sud du National Park Memorial.

Musée national de Delhi

India Gate

Bâtie en 1921 sur proposition de Lutyens (!), l’India Gate rend hommage aux 90 000 soldats indiens tués au cours de la Première Guerre Mondiale, ainsi qu’aux victimes de la troisième guerre anglo-afghane de 1919.

Le monument aurait été pensé comme une réplique de l’Arc de Triomphe parisien – le trafic de la place de l’Étoile remplacé par un flot de familles, promeneurs, pique-niqueurs, vendeurs de chaat et de pani puri

India Gate Delhi
Immeubles New Delhi

Au-delà du Rajpath, à la bordure nord de New Delhi, les avenues concentriques de Connaught Place forment le centre financier et commercial de la ville, succession de restaurants, bars, boutiques, banques, cinémas et offices du tourisme bidons.

Connaught Place et Paharganj franchis, la ville bascule dans une toute autre dimension – vers Old Delhi.

3 | Old Delhi

La perspective qui s’ouvre depuis la station de métro Jama Masjid a tout d’un assemblage hétéroclite, juxtaposant sans logique aucune étals pas encore déballés, bâches en plastique, pelotes de câbles entortillés, amas de déchets, charrettes entassées, enfants aux pieds nus, promeneurs endormis, fidèles matinaux et, dans le lointain, en ligne de mire, l’immense portail de la mosquée du vendredi (« Jama Masjid »), surplombant le paysage.

Jama Masjid Delhi
Jama Masjid Delhi
Jama Masjid Delhi

Jama Masjid

Tout fascine à l’intérieur des murs de l’édifice, les proportions colossales de la mosquée (la plus grande du pays, capable d’accueillir jusqu’à 25 000 fidèles), comme l’ambiance indescriptible des lieux. Jama Masjid, l’une des plus belles réalisations architecturales mogholes de Delhi, est à mettre au crédit du souverain Shah Jahan (XVIIe siècle), aussi incontournable à Old Delhi que l’est Lutyens à New Delhi.

Deux consignes pour accéder à l’édifice : laisser ses chaussures à l’entrée (un « gardien » veillera sur elles moyennant pourboire) et se couvrir jambes et épaules. L’entrée est gratuite (à condition de débourser 300 roupies pour embarquer son appareil-photo).

Lampe à huile

Plongeon dans les rues d’Old Delhi – Chandni Chowk et Khari Baoli

Sanju nous attend à la porte nord de la mosquée. Salutations d’usage réalisées et cadre posé, le jeune homme se dépêche d’expédier son histoire, esquissée à grands traits – démantèlement du plus grand bidonville de Delhi en 2004, 300 000 personnes évacuées, parents sur le départ, la rue, la drogue, les copains, Salaam Baalak Trust pendant dix ans et depuis quelques années, la possibilité de guider les voyageurs dans les interstices d’Old Delhi.

Tout cliché dégagé, Sanju nous entraîne aussitôt dans le dédale de ruelles médiévales du vieux centre, dans les entrailles de Delhi.

Sanju Delhi

Contrairement à ce que son nom indique, « Old Delhi » n’est pas la première, ni la plus ancienne version de Delhi. « Shahjahanabad » est créée au XVIIe siècle par l’empereur moghol Shah Jahan, qui vole à Agra le titre de capitale de l’empire – comme New Delhi le fera vis-à-vis de Calcutta quelques siècles plus tard. En l’espace de onze ans, une ville nouvelle sort de terre, ceinturée par 8 km de remparts et ponctuée de monuments tous plus somptueux les uns que les autres : Jama Masjid, le Fort Rouge, l’immense quartier commerçant de Chandni Chowk…

Red Fort Delhi
Red Fort Delhi

400 ans plus tard, les splendeurs mogholes ont passé et la vieille ville ne fait presque plus parler d’elle que par son agitation chaotique, l’étroitesse des ruelles médiévales amplifiant encore davantage la fureur indienne.

Sanju pendant trois heures nous fait slalomer au cœur du labyrinthe, entre les échoppes et les stands de street food, traversant les bazars, poussant les portes dérobées, grimpant sur les toits de la ville, pointant au passage les mille détails du vieux centre : la face grimaçante de Drishti Bommai et les colliers de citrons accrochés au-dessus des portes d’entrée pour chasser le mauvais œil, les carreaux de céramique placardés aux murs…

Céramiques représentant des dieux dans une rue d'Old Delhi
« Prière de ne pas uriner sur votre dieu »
Haveli Old Delhi
Mosquée de Fatehpur Delhi

Old Delhi fonctionne à la façon d’un kaléidoscope, articulant tout ce que la ville compte d’histoires, de cultures et de religions : mosquées, complexes religieux sikhs, églises chrétiennes, temples hindous et jaïns, bâtiments moghols et coloniaux, havelis décrépies et bazars saturés…

Homme préparant des galettes Old Delhi
Sur les toits de Chandni Chowk

Plus encore qu’ailleurs, la principale artère d’Old Delhi, Chandni Chowk, est un va-et-vient ininterrompu de rickshaws, vélos, scooters, camionnettes, voitures, charrettes à bras, porteurs surchargés, vaches déchettovores, chiens vagabonds, chèvres vagabondes, humains vagabonds, travaux, sens et contresens, métiers de rue, chaiwala (livreur de thé), dabbawala (livreur de petit-déjeuner) s’entrecroisant dans une cohue invraisemblable.

Un monde survolté où le piéton se trouve réduit à la portion plancton de la chaîne alimentaire – à ou la catégorie « hors caste » du système social hindou, la route comme le reste étant tenue par les véhicules les plus lourds et les plus imposants, les bus/brahmanes et les monospaces/kshatriyas.

Homme préparant du chai dans les rues d'Old Delhi
Chandni Chowk Old Delhi

Réputé à l’origine pour son orfèvrerie, Chandni Chowk est aujourd’hui un invraisemblable dédale de boutiques en tous genres vendant fleurs, offrandes, livres, vêtements, tissus, cuir, bijoux, appareils électroniques et épices…. Un foutoir apparent qui n’a pourtant de bordélique que l’aspect, le bazar – organisé – fonctionnant selon une organisation spatiale et une répartition très précise des produits, par « corporation ».

Hommes fabriquant des couronnes de fleurs Old Delhi
Khari Baoli Old Delhi
Khari Baoli, le plus grand marché aux épices d’Asie et la partie la plus populaire de Chandni Chowk : 2 000 magasins de vente en gros ou au détail, transmis de génération en génération depuis le XVIIe siècle
Khari Baoli Old Delhi

Le Fort Rouge

A l’extrémité orientale de Chandni Chowk, le Fort Rouge (Lal Qila) est le dernier coup de génie de Shah Jahan. La forteresse – à nouveau en grès rouge, à nouveau classée à l’Unesco et immortalisée sur les billets de 500 roupies – abrite une succession de bassins, jardins manucurés, mosquée et palais ayant servi de lieu de résidence aux empereurs moghols pendant près de 200 ans.

Red Fort Delhi
Red Fort Delhi
Red Fort Delhi

Certains affirment que le Fort de Delhi, endommagé au fil des siècles, ne présente aucun intérêt en comparaison des forts d’Agra et du Rajasthan. Le lieu n’est peut-être pas le plus éblouissant de la capitale, mais c’est pourtant là qu’on prend le plus la mesure de la curiosité contagieuse et de l’accueil hors norme des Indiens. Vous venez d’où ? Vous faites quoi ? Vous aimez Delhi ? Vous êtes mariés ? On peut faire une photo ensemble ? Ce qui, au fond, secoue presque autant que toutes les merveilles architecturales mogholes.

Red Fort Delhi

Visite guidée d’Old Delhi : guide pratique

Découvrir la vieille ville en compagnie d’un guide est une option géniale pour obtenir des clés de lecture, oser franchir le pas de certains temples et havelis (d’anciennes demeures de marchands), s’aventurer dans le labyrinthe de Chandni Chowk ou expérimenter la street food locale.

Ces dernières années, plusieurs tours portés par des ONG se sont développés avec un même credo : permettre l’insertion d’anciens enfants des rues. Malgré tout, ces tours ne se valent pas et les dérives sont nombreuses. Un peu dubitatifs concernant la part de voyeurisme là-dedans, on avait d’emblée écarté les « slums tours » et toutes les propositions à base de bénévolat. On a fini par opter pour Street Connection moins pour l’approche sociale que pour les commentaires élogieux postés sur internet. Un bon choix : on a adoré la matinée passée avec Sanju, qu’on a prolongée en allant déjeuner avec lui. A vous néanmoins de vous faire votre propre opinion…

Pour ceux qui voudraient découvrir en priorité Khari Baoli, le fameux marché aux épices, sachez que l’endroit est géolocalisable mais pas évident à explorer sans guide.

La physionomie de Chandni Chowk pourrait évoluer radicalement ces prochaines années, la mairie de Delhi ayant décidé de piétonniser l’artère principale, qui relie le Fort Rouge à la mosquée Fatehpuri, et de lui faire subir un lifting forcé.

Delhi sans perte ni fracas : petit manuel de « survie »

Aussi insaisissable qu’elle puisse paraître, Delhi n’en reste pas moins « visitable » à condition d’avoir du temps devant soi et de baliser un minimum son arrivée. Envisagez ces préparatifs imposés à la façon d’une pièce de théâtre et d’un rôle dont vous finirez par vous affranchir, une fois suffisamment à l’aise avec la ville. L’essentiel est de ne pas se cramer dès l’arrivée.

Temple du Lotus Delhi

Étape 1 | Réservez une chambre loin de la frénésie des grandes artères

La majorité des routards et voyageurs petit budget se base sur Paharganj, un quartier encombré jouxtant la gare de New Delhi. Si Paharganj a l’avantage de se trouver à mi-chemin entre Old Delhi et New Delhi (à proximité de Connaught Place), le quartier est mal desservi par le métro et, conséquence de sa surfréquentation touristique, les sollicitations y sont plus insistantes qu’ailleurs. Le constat est à peu près le même au niveau du quartier voisin de Karol Bagh.

Quitte à rester quelques jours dans la capitale, optez plutôt pour les quartiers résidentiels du sud de la ville, plus relax et aérés. Vous serez alors loin d’Old Delhi mais beaucoup plus proche de Qutb Minar, du temple du Lotus, du quartier de Lodhi ou d’Hauz Khas.

Le Tatvamasi homestay, situé dans le quartier « chic » de Greater Kailash (South Delhi), est certainement un des logements que nous avons préférés au cours de nos 11 mois de voyage en Asie. Le mérite en revient à Pankaj, qui officie en duo avec sa mère. L’homme est d’une gentillesse inouïe, prêt à vous embarquer un soir pour faire le tour du quartier, participer à un cours de danse ou une lecture/analyse de la Bhagavad-Gita. Si vous souhaitez expérimenter Delhi sans stress et de l’intérieur, ne cherchez pas plus loin.

Pankaj Tatvamasi homestay

Étape 2 | Déjouez les pièges des taxis/rickshaws et des rabatteurs embusqués dans les lieux de passage

La longue série des arnaques commence généralement à l’aéroport. Schéma classique : vous grimpez dans un taxi à la sortie de l’avion, vous indiquez l’adresse de votre logement et vous vous entendez répondre que tout le secteur est bouclé pour cause d’une énorme manifestation religieuse ou que votre hôtel a mis la clé sous la porte. Résultat : on vous emmène dans un faux poste de police ou un faux office du tourisme, on compose devant vous le numéro de votre hébergement et on vous bascule sur une ligne bidon, où quelqu’un vous informe que pour X ou Y raison, votre réservation ne sera pas honorée. Vos nouveaux amis vous « sauvent » alors la mise en vous renvoyant vers un autre hôtel ou une agence de voyage qui vous facture la prestation à un tarif prohibitif.

Pour éviter ce scénario, et tant que vous n’aurez pas activé votre carte sim (voir plus bas), la meilleure solution sera de demander à votre hôtel/guesthouse de vous envoyer un chauffeur, ce qui vous reviendra à 10 à 15 euros la course en fonction de la localisation de votre logement.

Street art Delhi

Des taxis prépayés sont également accessibles à la sortie de l’aéroport. Si ce système permet de réduire les arnaques (la course est réglée à l’avance), il ne les supprime pas pour autant. Un conseil, si vous avez des doutes : prenez ostensiblement la plaque d’immatriculation de votre véhicule en photo, activez votre GPS (Maps.me par exemple, qui fonctionne hors ligne) pour suivre la progression du taxi et ne donnez votre reçu (prepaid) qu’à l’arrivée.

Par la suite, et pour évacuer toute négociation avec les taxis, utilisez une carte Sim indienne quelle que soit la durée de votre séjour. Vous pourrez acheter la carte à l’aéroport, mais celle-ci ne sera active que sous 24 heures, d’où l’intérêt d’être récupéré à votre arrivée par un chauffeur. Servez-vous d’applications comme Uber ou Ola pour réserver vos taxis/rickshaws : le service fonctionne à peu près partout en Inde, à condition de vous en tenir aux déplacements « intra-muros » (donc pas pour relier Delhi et Agra par exemple).

N’hésitez pas non plus à utiliser le métro, ultra-moderne et climatisé.

Peinture représentant Rama et gare de Delhi

Dernier challenge : la gare de Delhi. Les sollicitations semblent porter pour l’essentiel sur la localisation de l’International Tourist Bureau, le Bureau d’achat des billets réservés aux étrangers. Celui-ci est situé au 1er étage de la gare, au-dessus du quai n°1. Ne suivez personne qui prétendrait vous y conduire, même si la personne en question revêt un uniforme officiel et que ses arguments sont imparables (« le bureau a déménagé après avoir été attaqué par des dacoïts »). Si vous achetez vos billets sur internet et que vous vous présentez en gare pour embarquer, sans avoir l’air excessivement angoissé, peu de chances que l’on vous accoste… Comme toujours, vous trouverez toutes les informations nécessaires sur le site Seat61, la bible des ferrovipathes.

Tombeau d'Humayun Delhi

Étape 3 | Parcourez la ville pas à pas

Plonger directement dans les rues bouillonnantes d’Old Delhi n’est peut-être pas l’idée la plus judicieuse qui soit, sauf à vouloir vous immerger (couler ?) d’emblée. Procédez plutôt par palier, en partant de South Delhi et en remontant progressivement vers Old Delhi au nord. Dans l’idéal, comptez au moins 3 jours sur place et n’enchaînez pas les visites à une cadence impossible.

La foule peut paraître oppressante par moment. Pour y remédier, visitez les lieux les plus touristiques tôt le matin ou en fin de journée (Qutb Minar, le tombeau d’Humayun, Jama Masjid) et méfiez-vous des jours fériés qui se traduiront par une multiplication par 1 000 (à la louche…) du nombre de visiteurs.

Faites aussi attention au combo humidité/chaleur si vous voyagez l’été, une association beaucoup plus difficile à supporter que les déluges intermittents causés par la mousson. Ajoutez à cela la foule et le bruit incessant et vous aurez rapidement les nerfs à fleur de peau.

Quoi qu’il en soit, et pour finir, ne perdez jamais votre sang froid et votre sens de l’humour, jouez la cool et vous vous sortirez de toutes les situations un peu tendues !

Delhi – juillet et septembre 2019

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