Inde

D’un monastère à l’autre – Don’t be Gama in the land of Lama

Installés pour une semaine à la Donskit Guesthouse à Leh on tombe sur Tani qui, entre deux sessions de bidouillage informatique, shooting photos et formations environnementales décide de nous faire découvrir les environs de la capitale ladakhie. Impossible de ne pas sympathiser, Tani est une pile électrique mobilisé sur tous les fronts : étudiant à l’université de Chandigharh, bricoleur touche à tout passionné par tout ce qui a trait de près ou de loin au Ladakh, fervent défenseur du climat, Tani a des idées en pagaille et des projets à ne plus savoir qu’en faire.

On n’hésite donc pas à longtemps à se planquer à l’arrière de sa voiture pour sortir de la ville (en théorie, seuls les taxis sont autorisés à véhiculer les étrangers) et on se laisse avec plaisir embarquer dans la longue tournée des monastères ladakhis éparpillés à travers la vallée de l’Indus.

Portrait Ladakh

Véritable colonne vertébrale du Ladakh, la vallée de l’Indus est une immense bande de terres cultivables serpentant de part et d’autre de Leh, cernée au nord par les montagnes du Karakoram, au sud par celles de l’Himalaya et à l’ouest par le Pir Panjal. Le fleuve, tantôt turquoise, tantôt boueux, se déploie sur plus de 300 km, arrosant une vallée constellée de cultures d’orge, de murs de mani et de complexes monastiques aux allures de forts imprenables, solidement arrimés au pied des pentes himalayennes.

Vallée de l'Indus Ladakh
Vallée de l'Indus Ladakh

Si l’Indus abreuve littéralement les cultures, la religion bouddhiste agit de même sur les habitants de la vallée, irriguant l’ensemble du quotidien ladakhi. Fondé sur l’enseignement du Mahayana (le « grand véhicule »), le bouddhisme pratiqué au Ladakh roule en diamant (Vajrayana : « véhicule de diamant »), accorde une large place aux cultes tantriques (des pratiques ésotériques réservées aux seuls initiés) et s’adosse à quatre grandes lignées et écoles monastiques, dont deux se partagent le devant de la scène : l’école des gelugpa (les « bonnets jaunes ») et l’école des kagyupa (« bonnets rouges »).

Phyang festival Ladakh
Phyang festival Ladakh
Chortens Ladakh
Sculptures et peintures bouddhiques Ladakh
Peinture bouddhiste Ladakh

Pour vous aider à y voir un peu plus clair, nous vous proposons ci-dessous quelques explications sur les principaux gompas (complexes bouddhistes tibétains) visités au Ladakh (hors Zanskar), avec en bonus l’ajout d’étoiles pour distinguer les plus ébouriffants d’entre eux.

Dans les environs immédiats de Leh

Spituk | ★

Notre premier arrêt se fait au monastère de Spituk, à 5 km du centre de Leh. Reconstruit au XVe siècle, le gompa se visite rapidement et n’a rien d’incontournable : si vous manquez de temps, passez directement au suivant. L’étape vaut surtout pour la vue sur la vallée de l’Indus (et sur l’aéroport posé en contrebas…).

Monastère de Spituk Ladakh

Les monastères du nord de Leh

Phyang | ★

On ne profite pas beaucoup plus du gompa de Phyang, trop accaparés par le festival qui se tient au même moment dans la cour du monastère. Les festivals s’enchaînent tout au long de l’année au Ladakh, avec un pic festif lors de la période estivale, les fêtes coïncidant la plupart du temps avec les dates d’anniversaire des monastères ou de personnages religieux importants (et avec la venue des touristes…). Le festival de Phyang Tsedup est réputé notamment pour ses danses cham, des danses de masques sacrées aussi fascinantes qu’incompréhensibles pour les non-experts. Vous trouverez plus d’infos et le calendrier détaillé des festivals pour les années à venir sur le site de Ju-Leh.

Phyang festival Ladakh
Phyang festival Ladakh
Phyang festival Ladakh
Phyang festival Ladakh
Phyang festival Ladakh

Méfiez vous du soleil si vous passez la journée sur place, les insolations à cette altitude sont redoutables !

Alchi | ★★★

A une cinquantaine de kilomètre au nord de Phyang, le monastère d’Alchi est un des plus vieux du Ladakh, et l’un de ceux qui nous émerveillent le plus. Construit en fond de vallée, le gompa s’articule autour de six petits temples recouverts de peintures murales de toute beauté, inspirées par l’art cachemiri du XIIIe siècle.

Peinture monastère Alchi Ladakh
Sculptures monastère Alchi Ladakh

Nous ne pourrons rien vous dévoiler de plus pour autant, les photos étant interdites à l’intérieur du complexe. Effet de surprise garanti.

Lamayuru | ★★★

Un peu plus loin encore, le long de la route nationale qui file vers Srinagar, le monastère kagyupa de Lamayuru se dresse au milieu d’un environnement géologique étrange, en surplomb d’un ancien lac asséché laissant affleurer une multitude de vagues et plissements de roches sédimentaires couleur caramel.

Moonland Ladakh
Village Lamayuru Ladakh

Le monastère, reconstruit au XVIe siècle, jouxte un vieux bourg médiéval érodé. A son pied se cache le Senge Lhakhang, un temple minuscule aux splendides bas-reliefs du XIe.

Monastère de Lamayuru Ladakh

A moins de poursuivre votre voyage vers Kargil, la vallée du Zanskar ou la région du Cachemire, nous vous proposons de faire demi-tour ici et de mettre à présent cap au sud de Leh, en amont de l’Indus.

Les monastères du sud de Leh

Thiksey | ★★★

Thiksey n’est pas le monastère le plus intimiste qui soit : sa forme trapue le place dans la catégorie des monastères les plus imposants du Ladakh, et sa proximité avec Leh lui vaut de figurer au programme de tous les tours organisés de la région. Malgré tout, Thiksey en impose. Construit au début du XVe siècle, à un moment où l’école gelugpa gagnait en importance (les fameux « bonnets jaunes »), le gompa se distingue par la richesse de ses peintures et par sa monumentale statue de Maitreya (le Bouddha du futur) consacrée par le Dalaï-lama en 1980.

Monastère Thiksey Ladakh
Peintures et statue monastère Thiksey Ladakh
La roue de la vie (bhavacakra), coincée entre les griffes et mâchoires acérées de Yama, le dieu de la mort. Au centre figurent les trois poisons de l’existence : l’ignorance (symbolisée par le porc), le désir/l’attachement (le coq – ici plutôt un pigeon…) et l’aversion (le serpent)
Peinture monastère Thiksey Ladakh

Le toit-terrasse du monastère offre une vue plongeante sur les champs d’orge et de peupliers verdoyants des alentours, le ruban bleuté de l’Indus et les monastères de Stakna et Matho se découpant à l’horizon.

Toit terrasse monastère Thiksey Ladakh
Vallée de l'Indus Ladakh

Shey | ★★

Une petite heure de marche depuis Thiksey et on rejoint l’éperon rocheux auquel se cramponnent les ruines de l’ancienne capitale royale de Shey : un palais d’été à l’abandon, un petit gompa, une vieille forteresse du Xe siècle et une profusion de chortens. Malgré son état délabré, le monastère renferme de fabuleuses fresques du XVIIe siècle cachées dans la pénombre et une colossale statue en cuivre de Shakyamuni (le Bouddha historique, Siddhartha Gautama), érigée en 1633 et régulièrement recouverte de feuilles d’or depuis.

Palais et monastère Shey Ladakh
Peinture et stupa palais de Shey Ladakh

Pour visiter les trois monastères suivants, nichés dans les montagnes à l’écart de la vallée principale, on décide de faire appel à un chauffeur sur une journée – Tani étant de son côté retourné à Chandigarh avec la reprise des cours. Cette fois c’est Rigzin Dorje qui nous accompagne.

Portrait homme monastère Ladakh
Portrait de femme âgée Ladakh
Et le contact est à nouveau si facile qu’on finit attablé en sa compagnie dans la cuisine de sa maman, dans le petit village d’Hemis…

Hemis | ★★★

Centre spirituel du courant drukpa depuis le XVIIe siècle (une des nombreuses ramifications des « bonnets rouges »), Hemis est la star des monastères ladakhis : le plus riche, le mieux doté en matière de ressources humaines (près de 200 moines) et celui dont le festival attire le plus de pèlerins et de touristes l’été venu. Pour ne rien gâcher, les murs du monastère accueillent un petit musée dédié au bouddhisme, bien plus riche et intéressant que tous les autres musées religieux de la région.

Monastère Hemis Ladakh

Une fois encore vous n’en verrez pas plus : les photos sont interdites à l’intérieur du monastère et du musée.

Takthok | ★★

A moins d’esquiver les visites de monastères, ou d’être totalement hermétiques à l’histoire et à l’iconographie bouddhiques, peu de chances que vous traversiez le Ladakh sans tomber à un moment ou à un autre sur Padmasambhava, dont les représentations abondent un peu partout. Vous le reconnaîtrez facilement : il arbore une fine moustache, un air en permanence furibard, un chapeau à plumes et un sceptre magique adossé à son épaule gauche.

Né au VIIIe siècle dans la vallée du Swat au Pakistan, le « précieux maître » (Guru Rinpoche) est considéré comme le fondateur du bouddhisme tantrique himalayen. Il jouit de ce fait d’une dévotion considérable, vénéré au même titre qu’un saint, voire carrément divinisé et promu au rang de « second Bouddha » par bon nombre de croyants à travers tout l’Himalaya (Tibet, Bhoutan, Népal, Sikkim, Ladakh).

Monastère Tak Thok Ladakh
Monastère Tak Thok Ladakh

Selon la légende, Padmasambhava aurait été appelé par l’empereur du Tibet pour soumettre les démons grâce à ses connaissances magico-alchimiques. En chemin, l’ascète aurait fait étape dans différentes grottes pour méditer, parmi lesquelles la grotte du monastère de Tak-Thok. Pas grand chose à voir à l’intérieur en revanche le gompa, le seul appartenant au courant nyingmapa au Ladakh, comprend quelques jolies salles de prière recouvertes de peintures anciennes.

Monastère Tak Thok Ladakh

Chemrey/Chemdey | ★★★

Arrimé à un promontoire rocheux surplombant une vallée constellée de cultures en terrasses, le monastère de Chemrey (XVIIe) clôt notre liste des plus beaux monastères ladakhis – et constitue aussi notre plus gros coup de cœur.

Monastère Chemrey Ladakh
Monastère Chemrey Ladakh

Non que l’on y trouve plus de fresques extraordinaires, de statues gigantesques ou de moines affairés qu’ailleurs. Mais l’atmosphère paisible des salles de prière baignées dans les fumées d’encens et le crépitement des lampes à beurre, ainsi que la perspective qui se dessine depuis le toit-terrasse du monastère, donnent à Chemrey un côté magique et hors du temps.

Cultures et montagnes Ladakh
Monastère Chemdey Ladakh
Cultures et montagnes Ladakh

Sillonner la vallée de l’Indus : conseils pratiques

On aura beau avoir consacré quasi 15 jours à l’exploration de la vallée de l’Indus et de ses vallées satellites, on ne sera pas parvenu à faire le tour de tous les monastères et palais disséminés aux alentours de Leh… Nous ne pourrons donc pas vous parler du palais de Stok (fermé pour travaux lors de notre passage), des gompas de Matho, Stakna et Likir, de la vieille forteresse de Basgo ou des monastères de la vallée de la Nubra. On compte sur vous pour poursuivre l’exploration.

| Se déplacer d’un monastère à l’autre

Seuls les monastères de Phyang, Spituk, Thiksey et Shey se visitent facilement en transports en commun depuis le centre de Leh. Pour le reste, il vous faudra faire appel à un taxi. L’union des taxis du Ladakh (Ladakh Taxi Union) a la mainmise sur le transport des voyageurs. Pas question donc – en théorie – de se faire véhiculer par quelqu’un qui ne serait pas habilité pour ce faire. En contrepartie, les prix sont réglementés et fixes. Le tarif dépendra de la distance parcourue et de la taille ou du niveau de confort du véhicule emprunté. Comptez par exemple 2 800 roupies/voiture pour la visite des monastères d’Hemis, Chemrey et Tak-Thok depuis Leh sur une journée.

Vous pourrez vous faire une idée plus précise des tarifs en vigueur en consultant ce site. Votre guesthouse vous aidera certainement à trouver un chauffeur ; autrement, passez par ici pour réserver une voiture moyennant commission.

Monastère Lamayuru Ladakh

| Où loger ?

Il est tout à fait possible de se baser sur Leh et de rayonner à partir de la capitale ladakhie. Cela dit, les journées seront longues si vous poussez au nord jusqu’à Lamayuru ou au sud vers Chemrey et Tak-Thok. Pour limiter la route, échapper un peu à la pression touristique et profiter des petits villages ladakhis, on vous conseille de trouver un point de chute en aval de l’Indus, et un second en amont.

  • La Nimmu House, située peu après la convergence de l’Indus et de la rivière Zanskar, à proximité du gompa de Basgo, est souvent présentée comme un des plus beaux hébergements traditionnels du nord Ladakh. Nous n’y avons pas fait étape mais l’adresse est bien notée pour une prochaine expédition.
  • Autre adresse atypique : dans les environs de Leh, son Excellence le Raja Jigmed Wangchuk Namgyal, descendant de la famille royale déchue, reçoit les visiteurs dans les murs du palais de Stok, partiellement transformé en maison d’hôtes.
  • Enfin, Salim et sa famille accueillent les voyageurs au Amir Homestay, à deux pas du village de Thiksey, dans une enclave chiite placée sous le patronage de l’Imam Khomeiny – dont la photo s’affiche en grand à l’entrée de la rue. Les commentaires en ligne sont bons, voire très bons, pourtant on a eu du mal à accrocher, ne serait-ce qu’en raison du manque d’interaction avec la famille trop accaparée par les festivités de Muharram qui battaient alors leur plein. Confort rudimentaire.
Vallée de l'Indus Ladakh

| Dernières informations générales

Quelques infos en plus pour terminer ce long exposé ladakhi, qui complètent ceux donnés dans l’article consacré à Leh et celui retraçant notre trek au Zanskar.

  • Climat : La meilleure saison pour explorer le Ladakh s’étend de mai à octobre. L’Inde a beau courber l’échine sous les trombes d’eau de la mousson au même moment, les montagnes font barrage aux pluies, qui n’affectent pratiquement pas la région en été. Passé octobre, attendez-vous à ce que la neige bloque les principaux cols routiers.
  • Exploration du Ladakh hors trekking : Rien ne vous empêche, si vous n’êtes pas des adeptes de trekking, d’organiser une virée depuis Leh vers les lacs Pangong, Tso Kar et Tso Moriri, ou en direction du village de Turtuk dans la vallée de la Nubra, et de randonner à la journée dans les environs. Référez-vous aux conseils donnés plus haut concernant les taxis locaux, ou faites appel à une agence si vous ne souhaitez pas gérer l’organisation par vous-mêmes.
Lac Tso Moriri

La route ladakhie tient plus de la piste défoncée que de l’autoroute impeccablement asphaltée, donnant aux trajets des airs de montagnes russes, plein de rebondissements à tous les sens du terme. Point positif : vous aurez tout le temps nécessaire pour admirer le paysage, si vous ne vous assommez pas au passage, et de devenir expert en musique ladakhie…

  • Arriver/quitter le Ladakh : La voie royale, pour accéder au Ladakh, serpente entre les montagnes en deux jours de transports depuis Delhi, avec une étape nocturne à Manali (Himachal Pradesh). La route franchit plusieurs cols à plus de 4 000 mètres (dont le Tanglang-La, à 5 328 m), et n’est donc généralement accessible que de juin à octobre. Les bus Delhi-Leh circulent de façon plus restreinte encore, en juillet et en août uniquement. Les choses pourraient cependant évoluer ces prochaines années avec la construction de nouveaux tunnels. Si Leh peut également être rejointe par voie terrestre via Srinagar, le contexte politique et la situation toujours très tendue au Cachemire incitent malgré tout à écarter cette option pour le moment. Et si vous manquez de temps, ou si la piste est coupée, le plus facile est encore de rallier le Ladakh par avion : le vol Delhi/Leh dure environ 1 heure 30. Parmi les différentes compagnies indiennes la dernière venue, Vistara, est certainement la plus fiable.
Lac Tso Moriri
  • Permis : certaines zones nécessitent un permis spécial pour être visitées, notamment la zone du lac Tso Moriri et celle de la vallée de la Nubra. Adressez-vous à votre guesthouse ou à n’importe quelle agence de Leh pour obtenir les papiers nécessaires avant de prendre la route.
  • Argent : Leh compte quelques ATM, mais ceux-ci sont très souvent à sec. Faites donc le plein de dollars/euros en amont du départ.

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