Chine,  Yunnan

Dans les rizières de Yuanyang

De Hekou (河口) à Nansha (南沙) il n’y a que bananiers et cultures d’ananas accrochés à flanc de collines. Ananas, bananes, bananes, ananas à perte de vue 4 heures durant. Il faut attendre de grimper dans la montagne et se rapprocher enfin de Xinjie (新街) pour qu’apparaissent les premières cultures en terrasses.

Rizières en terrasses Yuanyang

Il aurait fallu plus de 1 000 ans aux Hani pour façonner les 16 000 ha de rizières étagées de Yuanyang (元阳梯田) et s’affranchir des terrains escarpés, peu propices au développement de l’agriculture. Fasciné par l’ingéniosité du système – qui se répandra à travers toute l’Asie du Sud-Est à partir du 14e siècle – et par l’impressionnant jeu de miroir créé, l’empereur de Chine lui-même aurait salué la prouesse et décerné aux Hani le titre « d’artisans sculpteurs de montagne » .

Rizières en terrasses Yuanyang
Rizières en terrasses Yuanyang

Par endroit, près de 3 000 terrasses sont accrochées aux pentes des vallées encaissées, suspendues au pied des forêts – l’eau dévalant des sommets boisés vers les terrasses au moyen de canaux et de fossés.

En terres hani, les rizières fonctionnent comme un trait d’union entre les hommes et leur environnement, une réalisation hybride tenant autant de l’œuvre d’art que du modèle d’agriculture intégrée. À la culture du riz rouge répond un élevage pragmatique : les canards fertilisent les jeunes plants de riz, les cochons les plants plus mûrs, les buffles labourent la terre et les escargots d’eau débarrassent les rizières des différents organismes nuisibles. Se superposent à l’ensemble structures sociales et religieuses anciennes, culte des ancêtres et des esprits – forêts, rivières, montagnes, lune et soleil.

Rizières en terrasses Yuanyang
Rizières en terrasses Yuanyang

Si les Hani restèrent relativement isolés jusqu’à la fin du XXe siècle, il ne fallut pas plus de 20 ans pour faire de Yuanyang l’un des fleurons touristiques du Sud-Yunnan, propulsé parmi les plus beaux paysages de rizières au monde.

Depuis, les autorités se sont évidemment empressées d’encourager la construction de plateformes d’observation payantes, en surplomb de trois immenses ensembles de terrasses irriguées : Duoyishu (多依树), Laohuzui (老虎嘴) et Bada (坝达).

Des minivans pleins à craquer sillonnent aujourd’hui les routes en bondissant d’un belvédère à l’autre, croisant dans un concert de klaxons les voitures rutilantes de touristes venus explorer Yuanyang à la journée.

Rizières en terrasses Yuanyang
Village de Pugao Yuanyang
Rizières en terrasses Yuanyang

Malgré l’explosion touristique ces dernières années, et malgré la bétonisation de Pugao (普高) et la hausse du trafic routier, rien ne différencie vraiment Yuanyang des autres régions montagneuses du pays. Les rues des villages endormis sont le terrain de jeu favori des porcs et des poulets. Les vieux fument la pipe assis sur leur pas de porte et le costume traditionnel, parfois doublé du gilet orange des ouvriers de chantier, ne constitue qu’un détail parmi d’autres, sans dérive folklorique.

Rizières en terrasses Yuanyang
Rizières en terrasses Yuanyang
Rizières en terrasses Yuanyang

Quant aux chemins de terre qui serpentent de Shengcun (胜村) à Bada ou du côté de Quanfuzhuang (全福庄), ils sont pour la plupart déserts. Pas un marcheur en vue. Uniquement des forêts, des rizières et parfois au loin, minuscule, une silhouette floue, pieds dans l’eau et bêche à l’épaule.

Visiter Yuanyang : conseils pratiques

Pas facile de comprendre d’emblée la géographie des lieux. « Yuanyang » ne désigne pas une ville à proprement parler mais plutôt une région (元阳县), au sein de la préfecture autonome Hani de Honghe (红河). Plus concrètement, la grosse ville hideuse de fond de vallée posée sur la route principale entre Kunming et Hekou a pour nom « Nansha » (南沙镇), ou « Yuanyang New City ». De Nansha, une route serpente dans la montagne en direction de Xinjie (新街镇), « Yuanyang Old City », porte d’entrée de la zone de rizières et terminus des lignes de mini-bus depuis le reste de la région. 82 villages au total émaillent la zone dite de Yuanyang, le principal d’entre eux, le vieux village de Pugao (Pugao laozhai, 普高老寨, aussi appelé « Duoyishu village », 多衣树村), concentrant la majorité des logements au cœur des rizières.

Rejoindre/quitter Yuanyang

Pour éviter toute confusion au moment d’acheter votre billet pour Yuanyang, demandez un aller vers « Yuanyang Xinjie » – cela vous évitera de vous retrouver à Nansha.

  • Si vous arrivez du Vietnam, une fois la frontière Lao Cai/Hekou franchie, prenez un taxi pour rejoindre la gare routière de Hekou. Le tableau des horaires indique deux départs par jour, l’un à 6 h, l’autre à 9 h, ce qui semble être le cas depuis des années. D’autres trajets sont néanmoins programmés qui n’apparaissent pas officiellement sur les panneaux d’affichage, dont un bus direct Hekou/Xinjie à 11 h (58 yuans/personne ; environ 5 heures 30 de trajet).
  • Pour quitter Yuanyang et rejoindre Jianshui (l’une des étapes les plus intéressantes du Sud-Yunnan), deux options s’offrent à vous. Soit vous regagnez Nansha depuis Xinjie (une heure de trajet) puis récupérez sur place un bus pour Jianshui (ce qui revient à prendre trois bus/mini-bus différents au total depuis votre hôtel de Pugao laozhai). Soit vous organisez un transfert depuis le village de Pugao directement jusqu’à votre hôtel de Jianshui (100 yuans/personne ; 4 heures de trajet), une option moins économique mais qui vous facilitera la vie. Des trajets directs Xinjie/Jianshui existeraient également mais les horaires fournis en gare de Xinjie ne sont pas plus d’actualité que ceux donnés à Hekou.
  • Pour ceux qui voudraient rejoindre directement Kunming ou Dali : la ligne à grande vitesse s’attrape à Jianshui. Sinon, reste le bus depuis Nansha…
Rizières en terrasses Yuanyang
Rizières en terrasses Yuanyang

Se déplacer entre les rizières

Depuis Xinjie, des minivans circulent entre les différents points de vue et villages. Le trajet entre Xinjie et Pugao laozhai (un peu moins d’une heure de route) ne devrait pas dépasser 20 yuans/personne, à condition que le véhicule soit plein. Ne cédez pas aux manœuvres des chauffeurs qui vous proposeront toutes sortes de combines pour vous faire payer plein pot et éviter de rester des heures à la gare – « vous payez la voiture complète, on part sans attendre et je vous évite les droits d’entrée »… Vous devrez de toute façon vous munir d’un ticket pour accéder aux plateformes.

La zone des rizières, gigantesque, s’étend sur plusieurs versants des monts Ailao, entre 1 500 et 2 000 mètres d’altitude. Oubliez l’idée de la parcourir à pied ou à vélo. Ne comptez pas non plus sur le scooter : on ne vous en proposera pas à la location. Pour vous déplacer d’un spot à l’autre, placez-vous simplement le long de la route principale, tendez la main et un minivan vous récupérera dans le quart d’heure. Pour vous faire une idée des prix, comptez 5 yuans pour effectuer le trajet entre Pugao laozhai et Shengcun ; 10 yuans entre Pugao laozhai et Bada.

Rizières en terrasses Yuanyang

Droit d’entrée et randonnées

Un billet combiné donne accès aux différents points de vue. En théorie, trois sont accessibles avec ce billet : Duoyishu (belvédère situé le long de la route principale, juste au-dessus des rizières du même nom et du vieux village de Pugao), Bada et Laohuzui (aussi appelée Mengpin). Un glissement de terrain causé par les pluies diluviennes de l’été 2018 a conduit à la fermeture temporaire du belvédère de Laohuzui, réduisant les possibilités d’exploration de la zone. En contrepartie, le prix du ticket a été revu à la baisse, passant de 100 à 70 yuans. D’avis général, Duoyishu serait le meilleur endroit pour assister au lever du soleil et Bada au coucher – ce que l’on n’a pas cherché à vérifier par nous-mêmes…

Ces trois zones étant relativement éloignées les unes des autres, vous devrez sauter dans un minivan pour naviguer entre elles. Rien ne vous empêche cependant de quitter les plateformes pour vous aventurer au milieu des rizières. Plusieurs sentiers de randonnée permettent d’explorer chaque zone en profondeur. On en a testé deux, qui peuvent être cumulés en partant tôt le matin. Tout est tracé sur Maps.me.

  • La première rando part de Shengcun, village situé à 5 km à l’ouest de Pugao laozhai. Celui-ci accueille le marché local un jour sur quatre (voir plus bas). De Shengcun, suivez la route en direction du panorama de « Lao Yin Zui » (ou « Eagle’s mouth »), avant de poursuivre vers Bada, via Malizhai. Attention, la zone de jonction située juste avant Bada est mal balisée. Un escalier tout proche du point de vue gratuit épinglé sous le nom de « free balcony » sur Maps.me permet de regagner une route secondaire et peu de temps après, l’embranchement vers la plateforme payante de Bada.
  • Dans la fameuse zone de jonction, un chemin descend entre un kiosque et le « free balcony », direction Quanfuzhuang (全福庄) et Qingkou (箐口). L’itinéraire est beaucoup mieux fléché.
Rizières en terrasses Yuanyang
Rizières en terrasses Yuanyang

En plus des trois grands points de vue aménagés et payants, vous trouverez de nombreux belvédères gratuits et tout aussi beaux le long de la route principale et des chemins de randonnée. C’est le cas sur le tronçon Quanfuzhuang/Bada ainsi qu’en contrebas de la place centrale de Pugao laozhai.

L’un des itinéraires les moins fréquentés, et qui semble aussi l’un des plus intéressants, permet de relier Pugao laozhai et la plateforme de Laohuzui via les villages de Puduo et Dongpu. Comptez une grosse journée de marche. Attention : avec la fermeture du point de vue de Laohuzui, les chances sont faibles de trouver un véhicule à l’arrivée pour vous ramener vers Pugao. Vous pourrez organiser le transfert en amont avec votre hôtel, mais les prix seront élevés (200 yuans le trajet depuis/vers Pugao, soit environ 25 euros).

Marchés de Yuanyang

L’autre attrait de la région tient à la découverte des cultures hani, yi, miao et dai présentes dans tout le Sud Yunnan. Pour ce faire, direction les marchés de Yuanyang. Ceux-ci fonctionnent par roulement, à peu près selon le rythme suivant : un jour à Xinjie, le lendemain à Niujiaozhai, le troisième jour à Shengcun, le quatrième « off » et retour à Xinjie.

Marché de Shengcun Yuanyang
Marché de Shengcun Yuanyang

Où loger et où se restaurer

S’il est possible de loger à Xinjie même, se baser à Pugao laozhai est certainement une meilleure option, le village étant à la fois plus agréable et plus proche des différents points de vue et départs de randonnée. Le Timeless Hostel et la Jacky’s Guesthouse ont la préférence des backpackers et c’est là que vous croiserez le plus de voyageurs. On s’est de notre côté installé au Flowers Residence et si on n’y a pas rencontré grand monde, on a au moins profité du charme – et du calme – de l’hôtel. Le gérant est très sympa et parle anglais. Le petit-déjeuner et le repas se prennent à l’hôtel Beyond the Terrace, en contrebas du village, qui appartient au même propriétaire. La cuisine y est excellente et la vue depuis la terrasse est splendide. D’ailleurs si vous avez le budget pour, on vous conseille vivement de loger sur place, ou carrément au Twelve Manor Terrace Lodge du côté de Shengcun.

Beyond the Terrace Yuanyang
Beyond the Terrace Yuanyang

Quant à la question qui préoccupe la majorité des voyageurs, à savoir celle du meilleur moment pour visiter Yuanyang, difficile d’y apporter une réponse précise. Fin mars les rizières étaient en eau, ce qui semble être le cas tout l’hiver. Elles sont d’un vert lumineux au cours de l’été puis jaunissent avant la récolte d’automne. Les mois d’octobre et de novembre sont peut-être les « moins intéressants », la terre étant alors marron et sèche.

Yuanyang – mars 2019

One Comment

  • DARDE MICHELE ET SERGE

    Toujours aussi passionnant et les photos!……..à me faire pâlir de jalousie.
    Merci pour tout cela et aussi merci pour la carte postale: quelle belle surprise ce fut de découvrir votre prose « exprès » pour nous.
    J’ai tardé à vous écrire mais l’été fut un peu cahotique, nous aurons le plaisir de vous entendre lorsque nous vous verrons à votre retour.
    Bises de nous deux

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