
Ngapali, coquillages et crustacés
Golfe du Bengale : le nom seul a de quoi laisser rêveur. Tempêtes tropicales, jungles profondes, mangroves, tigres sauvages, Empire des Indes… L’imaginaire date un peu mais qu’importe, la part de mystère demeure. Mer d’Andaman, Océan Indien, Ngapali : nous voilà rendus à la plage, au sud de l’État rakhine, sur la côté ouest de la Birmanie, à quelques centaines de kilomètres de la frontière bangladaise. Ngapali Beach est un des hauts lieux du tourisme balnéaire birman et haute saison oblige, la longue langue de sable blanc est prise d’assaut par les touristes…




Ah non pardon, il n’y a personne. Tant pis pour nous, on se baignera seuls.
Ngapali : la mer, le ciel, les cocotiers, et le doux bruit des vagues.








Une fois passée la rangée d’hôtels de luxe bordés de bougainvilliers, on retrouve les chemins poussiéreux et la chaleur populaire des petits villages. Simples cahutes de pêcheurs et abris sommaires en bois se succèdent sous les palmiers. Le long de la route, poissons et coquillages sèchent sur de grandes nattes en bambou. On pédale sous un soleil brûlant, faisant de grands signes aux enfants qui cette fois ont troqué le traditionnel « hello » contre un amusant « bye bye ».
Au sommet d’une colline, peu après le bourg de Lan Tha, un Bouddha géant – pléonasme birman – surplombe la baie aux eaux turquoises. Le contraste est saisissant entre le monde des resorts coûteux et des plages impeccables, laissé derrière nous, et ces villages d’une grande pauvreté tournés vers la pêche bien plus que vers le tourisme. De ce côté-ci le sable, à défaut d’être immaculé, sert avant tout de réceptacle aux déchets plastiques des environs – qui auront tôt fait de gagner le large.










On avait pensé l’arrêt à Ngapali comme une simple étape sur la longue route devant nous conduire aux temples de Mrauk U, dans le nord de l’État rakhine. Mais les tensions politiques en ont décidé autrement et deux jours après notre arrivée il faut se rendre à l’évidence : la situation est beaucoup trop tendue pour espérer aller plus loin…
Les affrontements entre l’armée nationale et les mouvements armés régionaux se poursuivent dans plusieurs États du pays : c’est le cas dans l’État rakhine à l’ouest, dans l’État shan à l’est et dans l’État kachin au nord. Le Myanmar, vu par le Ministère des Affaires Étrangères, est un immense barbouillage rouge-orangé au milieu duquel l’État rakhine, dans sa globalité, apparaît « déconseillé sauf raison impérative », voire « formellement déconseillé ». La raison est double : d’une part l’AA (Arakanese Army) mène depuis plusieurs années une guérilla contre le gouvernement central (avec comme revendication la mise en place d’une confédération), d’autre part les épisodes de violences intercommunautaires embrasent la région à intervalles réguliers.
Si dans ce grand bordel arakanais les plages de Ngapali, au sud, et les temples de Mrauk U, au nord, faisaient jusque là figures d’exception, le dynamitage d’un pont quelques jours avant notre passage a eu pour effet de rebattre les cartes – et de réduire considérablement les possibilités de circulation dans une large partie de la région.




Il a alors fallu revoir l’itinéraire et trouver une nouvelle étape facilement accessible par la route – « facilement » n’ayant à peu près aucun sens dans ce coin du pays. Heureusement on n’a pas été long à échafauder un nouveau plan béton : 18 heures de mini bus pour atteindre la ville carrefour de Pyay et filer sur Bagan. 18 heures ça passe tout seul quand on maîtrise la pop locale, les séries à l’humour approximatif et les psalmodies bouddhiques !
Ou presque tout seul.
- Accès : le plus simple, évidemment, consiste à prendre l’avion de Yangon à Thandwe, au nord de Ngapali (45 minutes de vol). Mais comme l’avion c’est pas tellement notre truc, on a préféré sauter dans un bus VIP et partir pour 14 heures de trajet de « nuit ». Coût : 20 000 kyats par personne et des sièges tout confort.
- Hébergement : May 18 guesthouse, impeccable et en retrait de la plage.
- Restaurant : Golden Rose Restaurant, à l’entrée du village. On y mange vraiment bien et la famille qui tient les lieux est adorable.
Un article passionnant pour aller plus loin : derrière l’aspect idyllique des lieux, les conséquences environnementales du développement touristique sont absolument désastreuses – l’extraction croissante de sable à des fins de construction menaçant l’équilibre de la région, et l’existence même des plages… sur lesquelles repose le tourisme.

Ngapali, janvier 2019

