Birmanie/Myanmar

Mandalay la mal-aimée

Visiter Mandalay, la deuxième ville du pays, c’est faire face à un curieux paradoxe : tout le monde s’accorde pour dire que l’étape n’est pas indispensable, que Mandalay est bruyante et sans charme mais chacun y passe à un moment donné. Sans s’éterniser surtout, juste comme ça, histoire de, en chemin… Les grandes villes birmanes font rarement rêver.

Comme à Yangon, les distances sont importantes et la circulation chaotique – à la différence près qu’ici, ce sont les deux roues qui font la loi. En revanche, plus encore qu’à Yangon, se promener au hasard des rues se révèle un défi. Il n’y a pas, à Mandalay, de centre-ville à proprement parler : la carte urbaine se résume à un immense quadrilatère cerné de douves (l’ancien palais royal reconverti en résidence du gouverneur britannique et bombardé en 1945), chapeautant un damier géant de rues tracées au cordeau. Deux lacs complètent cet étrange panorama au sud (Kandawgyi et Taungthaman à Amarapura), tandis qu’à l’ouest, l’Irrawaddy se perd dans une multitude de méandres.

Prises séparément, les rues ne sont pas désagréables à arpenter. En dehors des grands axes routiers et des principaux carrefours, on progresse parfois sur de larges trottoirs (une rareté dans le pays), à l’ombre des arbres (qui, au Myanmar, poussent aussi bien en bord de route que sur la chaussée), le long d’immeubles bétonnés.

Bref pour tenter d’apprécier Mandalay, mieux vaut avoir une idée de ce que l’on veut faire, avoir du temps devant soi, estimer les distances, ajuster son casque et se hisser en scooter sans trop trembler.

– Temples et ateliers d’art –

Mandalay a toujours occupé une place à part dans la vie culturelle birmane. L’ancienne capitale sert aujourd’hui de vitrine aux arts du spectacle traditionnels, notamment au théâtre de marionnettes yoke-the. On trouve également de part et d’autre de la ville de très nombreux artisans, dont le savoir-faire se transmet de génération en génération. Il y a d’abord les sculpteurs, regroupés autour de la paya Mahamuni, dont le bruit des outils façonnant le marbre tient tout le quartier en éveil. Puis les batteurs d’or de la 36e rue, martelant des heures durant de petits paquets faisant alterner feuilles d’or et feuilles de bambou afin de les étirer le plus finement possible. Les minuscules carrés d’or obtenus seront ensuite apposés par les fidèles sur les différentes effigies du Bouddha à travers le pays. Un peu plus loin, on déambule dans les allées du marché de jade, observant les acheteurs qui, d’un œil affuté, scrutent les pierres et négocient avec les marchands.

Bouddhas en marbre, atelier de sculpture Mandalay

Plus au sud, à Amarapura, à quelques centaines de mètres du pont U Bein, les rues vibrent au son des métiers à tisser et des bobines qui s’entrechoquent. Les fils passés dans des bains de teintures multicolores sèchent au soleil sur de longs étendoirs en bambou, créant en bord de route d’immenses patchworks fluo.

Artisanat mis à part et Myanmar oblige, l’autre attrait de Mandalay tient à la profusion de pagodes et de monastères qui vaut à la ville le titre de « capitale religieuse du pays ». Au cœur de ce grand ensemble religieux, la pagode Mahamuni compte parmi les lieux de pèlerinage les plus importants. À l’intérieur du complexe, tous les regards convergent vers un monumental Bouddha assis, autrefois dérobé à l’État rakhine et aujourd’hui recouvert d’une quinzaine de centimètres de feuilles d’or. Les fidèles se pressent en nombre mais à Mahamuni, seuls les hommes sont autorisés à approcher le corps boursouflé d’or du Bouddha. Les femmes, elles, sont priées de rester en retrait et de se contenter de retransmissions sur écran télé…

Pagode Mahamuni Mandalay

La ville abrite également deux superbes monastères en teck : le monastère Shwenandaw, ancienne résidence du roi Mindon au XIXe siècle, et le monastère Shwe In Bin, construit à l’initiative de riches marchands chinois en 1895.

Monastère Shwe In Bin Mandalay
Monastère Shwe In Bin Mandalay

À quelques pas du monastère Shwenandaw, deux curieuses pagodes renfermeraient le « plus grand livre du monde ». Les près de 730 stèles de la paya Kuthodaw forment la totalité des écrits du Tripitaka (textes fondateurs du bouddhisme theravada) tandis que les 1 774 stèles exégétiques de la paya Sandamuni complètent l’ensemble, rédigé en pali. Plus que l’aspect philologique des lieux, qui nous intéresse à vrai dire moyennement, on est surtout intrigué par l’étrange ballet qui se joue dans les allées, tous les diplômés du coin s’étant donnés rendez-vous pour une séance photo surréaliste à base de peluches géantes.

Paya Sandamuni Mandalay

Un soir où l’on part à l’assaut de la Mandalay Hill, on tombe par hasard sur U Sa qui décide de nous accompagner. On est rejoint peu de temps après par un ami à lui, Ashin Panya, et par deux autres copains dont les noms nous échappent. Tous les quatre sont moines et profitent de la fin de journée pour pratiquer l’anglais avec les visiteurs. On passe la soirée à discuter, sans prêter attention au soleil qui se couche derrière la colline de Sagaing. On fait le tour du monde grâce aux cartes téléchargées sur le téléphone, on replace la France et le Myanmar sur le planisphère numérique, on discute de culture, de vie en communauté et du projet d’U Sa de parcourir l’Inde. N’eut-été la nuit tombante et la nécessité de rejoindre les monastères sans trop tarder, on serait bien resté quelques heures supplémentaires sur le toit de la ville.

Portraits d'U Sa et Ashin Panya

– Sortie de ville : d’une ancienne capitale à l’autre –

Au sud-ouest de Mandalay, Inwa/Ava servit de capitale à plusieurs royaumes successifs entre les XIVe et XIXe siècles, passant entre les mains des Shans, des Birmans et des Môns. Une série de tremblements de terre eut finalement raison de la cité qui fut délaissée au milieu du XIXe siècle.

Restent aujourd’hui quelques ruines, de vieux monastères et stupas posés au milieu des champs. La ville est loin, le tumulte des moteurs également. Inwa est un morceau de campagne posé le long de l’Irrawaddy, accessible uniquement en bateau et à l’écart des foules. En apparence du moins : c’est à Inwa que l’on rencontrera le plus grand nombre de vendeurs de souvenirs de nos quatre semaines birmanes, et les plus insistants ! Le discours est bien rôdé, en anglais comme en français, mais ce qui amuse d’abord (« moins cher que chez Leclerc ! ») finit par devenir rapidement désagréable.

Champs et palmiers Inwa
Serviettes des moines Inwa

Une fois le fleuve retraversé, on se fraie un chemin jusqu’à Amarapura. Pas de ruines à l’horizon, ni même de monastère, mais une immense passerelle mi-teck mi-béton serpentant sur 1,2 km au-dessus des eaux du lac Taungthama. Pourtant ce n’est ni vraiment l’architecture d’U Bein, ni les rencontres qui ne manquent jamais de se produire sur les lattes de bois, qui fascinent les foules. Le succès du lieu se résume à une image, une photo instagrammable à souhait : celle du pont baigné dans la lumière orangée du couchant, les silhouettes des passants se découpant en ombres chinoises.

L’endroit ne m’avait pas convaincue en 2013 et l’idée de retourner s’agglutiner avec des centaines d’autres personnes pour le coucher du soleil avait tout de la fausse bonne idée. Pourtant en prenant simplement le temps de marcher le long du lac, de se lancer dans de nouvelles conversations en anglais avec les lycéens du coin et de voir défiler l’après-midi assis sur des mini-chaises en plastique, l’expérience était cette fois beaucoup plus réussie.

Le circuit classique d’exploration des environs de Mandalay englobe encore Mingun et Sagaing. Mais si le temps nous a clairement fait défaut pour rejoindre Mingun, on a volontairement écarté la colline des temples de Sagaing déjà arpentée en long en large et en travers quelques années plus tôt. Vient un moment, quand on voyage plusieurs semaines au Myanmar où, à force de côtoyer bouddhas clignotants et pagodes dorées, on finit par frôler l’overdose…


Explorer Mandalay : conseils pratiques

VISITES : DROITS D’ENTRÉE

Pour pouvoir visiter Inwa/Ava et plusieurs sites majeurs de la ville de Mandalay (dont le monastère Shwenandaw), il faut faire l’acquisition d’un billet combiné pour la moyennement modeste somme de 10 000 kyats (un peu plus de 6,5 euros). On avait tellement à cœur d’aider à la protection du patrimoine birman que l’on a débarqué à Inwa sans les précieux billets achetés la veille…

TRANSPORTS

La meilleure solution pour découvrir la ville et ses environs est de louer un scooter. Le trafic est dense et un peu flippant sur les axes principaux, mais on en sort relativement vite. Comptez 15 000 kyats pour la location d’un automatique. « Bonus » non négligeable : se déplacer en scooter permet d’échapper à la mafia des calèches de Inwa qui facture 10 000 kyats les deux heures de visite (impossible de parcourir l’ancienne capitale à pied sous peine d’y passer des heures et des heures en plein soleil).

UNE CHAMBRE

Rester dans la partie « nord » de la ville est clairement la meilleure option. On s’est basé au Ned Kelly Hotel, une adresse vraiment sympa. Seule contrepartie : il faut accepter de se faire réveiller tôt par les hauts-parleurs des temples voisins…

Mandalay, janvier 2019

3 Comments

  • jacqueline tabary

    Toujours aussi passionnant et quellesbelles photos!
    Nous attendons avec impatience la suite au Vietnam.
    Jacqueline et Bernard

  • Berard

    Coucou!
    je ne sais pas si c’est de la déformation professionnelle, mais j’aime regarder les paysages et les « plantouzes », dans toutes vos photos. Mais j’ai du mal à savoir quelles sont les espèces de plantes!! des bananiers, du riz, mais que sont ces fleurs blanches, dans l’eau ?? des fleurs de lotus?
    Mais les plus belles photos de cette page, ce sont quand même celles des artisans, elles sont vraiment superbes, les couleurs, les gros plans, j’aime beaucoup!
    Anne

    • Fanny

      Merci Anne ! J’aurais aussi dit lotus mais en fait je suis vraiment nulle en plantes (d’où le manque d’information et de légendes)…

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