Hpa-An, première étape birmane

On aimerait dire que la voiture file sur l’asphalte mais la phrase exacte serait plutôt : la voiture rebondit méchamment d’un trou à l’autre sur la piste saturée de poussière en direction de Hpa-An. De part et d’autre de la chaussée, la végétation a pris une coloration rouge. Tout est maculé de terre. Dans l’habitacle, les têtes des dormeurs dodelinent, cognant de temps à autre violemment sur les vitres.

Le jour se lève sur la Birmanie.

Depuis le passage de la frontière, on a perdu 30 minutes : la France n’est plus qu’à 5 heures 30 et nous, nous naviguons entre les fuseaux sans avoir pour l’instant réussi à nous poser. Nous sommes donc en Birmanie, il est 6 h 30 du matin et l’État Karen s’ouvre devant nous : jungle à perte de vue, champs immenses, rizières, montagnes brumeuses dans le lointain. La vie s’organise le long de la piste : maisons sur pilotis, cahutes de palmes, échoppes débordantes de gâteaux et produits d’entretien en tout genre, chiens errants, chèvres tout aussi errantes, travailleurs accroupis en mode « chill », rigoles remplies de déchets plastiques. Les écoliers se mettent en route, chemises blanches et pantalons/jupes verts, joues fardées de thanaka. Dans les cours de récré, les premiers arrivés sautent d’un pneu coloré à demi-enfoncé dans le sable à un autre. Les écoliers birmans cherchent-ils eux aussi à éviter de tomber dans la mare aux crocodiles ?

Je retrouve ainsi la Birmanie quittée il y a cinq ans. Tous les signes sont là : les couleurs pastel des temples et des maisons, les tâches de bétel au sol (chiqué et recraché sous la forme d’expectorations rouge sang), les motifs floraux des fers forgés, les longyi traditionnels, les dentelles dorées des pagodes, les déités et le bestiaire des temples, l’arrondi de l’alphabet birman.

Hpa-An est notre première étape, petite ville poussiéreuse à quatre heures de rebonds de la frontière thaïlandaise dont le charme réside moins dans les rues déglinguées que dans les impressionnants paysages karstiques. La région est véritablement grandiose, parsemée de hauts pics découpés, tapissée de rizières et de palmiers, traversée par les eaux de la Salween – que l’on espère recroiser plus tard au Yunnan.

Si Hpa-An plaît autant aux voyageurs, c’est d’abord en raison de ses nombreuses grottes sacrées. La première que l’on visite est la Sadan Cave, l’une des plus massives du coin – dont le kitsch est à la (dé)mesure des proportions. Sous l’immense voûte de pierre s’alignent des rangées entières de figures colorées et de bouddhas clignotants bardés de guirlandes lumineuses. En fond sonore, les cris perçants des milliers de chauves-souris se répètent en écho, conférant au lieu une ambiance assez surréaliste.

Pourtant plus qu’à la grotte en elle-même, le charme de la visite tient surtout au panorama qui se dévoile à la sortie et au tour en bateau au milieu des rizières pour regagner l’entrée.

La Kawgun Cave nous éblouit de son côté d’entrée de jeu. Des milliers et milliers d’icônes bouddhiques en plâtre et en argile, pour certaines du VIIe siècle, tapissent les parois rocheuses de la grotte. La profusion et l’explosion de couleurs donnent aux lieux une beauté littéralement renversante…

On passera aussi une bonne partie de la visite à se prêter au jeu des selfies avec des jeunes qui, un par un, défilent pour se faire tirer le portrait à nos côtés.

Autre curiosité régionale. Posée au milieu d’un lac artificiel, cette formation calcaire à l’allure bancale est surmontée d’une pagode tout aussi improbable, le tout semblant étrangement défier la gravité.

Enfin, on profite de notre séjour karen pour partir à l’assaut du mont Zwekabin (la « corne de rhinocéros » sur la photo ci-dessus) qui avec ses… 700 mètres d’altitude, offre un point de vue imprenable sur la région. Mieux vaut d’ailleurs ne pas se fier à l’altitude. L’ascension à coups de volées de marches taillées pour des géants est un calvaire pour les mollets. Par comparaison, la descente aurait pu être une partie de plaisir si ma paire de baskets ne s’était pas mystérieusement volatilisée à la sortie du temple (en Birmanie, les lieux de culte se visitent sans chaussures). Résultat, le retour se fera « à la birmane » en tongs fluo dans les rochers – pour finir carrément pieds nus dans la ville.

Ne reste plus à présent qu’à sauter dans un bus. Prochaine étape : Yangon.

• Bus de Bangkok à Mae Sot : billet réservé en ligne grâce à une des filles du Fun Hostel & Cafe à Bangkok, puis payé au 7/11 (600 bahts par personne pour un bus « VIP » de 32 places). Des bus partent très régulièrement de la gare routière de Mo Chit, au nord de Bangkok, dont au moins un bus de nuit (départ 21 h 30, arrivée 5 h 30). La gare se rejoint directement en taxi depuis le centre-ville de la capitale thaïlandaise (230 bahts en incluant le péage) ou en métro + taxi (la présence d’une voie rapide empêche de terminer le chemin à pied).

• Arrivée au poste frontière et formalités : des taxis collectifs assurent la navette entre la gare routière de Mae Sot et le poste-frontière. Comptez 50 bahts par personne. Les papiers de sortie tamponnés côté thaïlandais, vous n’aurez plus qu’à traverser le « pont de l’amitié » entre les deux pays et à faire tamponner de nouveau votre visa côté birman (attention, pas de visa à l’arrivée !).

• Transports jusqu’à Hpa-An : là non plus, aucune difficulté. Des taxis collectifs partent régulièrement de Myawaddy (la ville frontière côté birman) en direction de Hpa-An. Le trajet dure quatre heures et coûte 10 000 kyats par personne. On trouve des ATM facilement des deux côtés de la frontière.

• Le plus simple, pour visiter Hpa-An, est de louer un scooter à la journée (6 000 à 8 000 kyats) ou d’engager un taxi (20 à 25 000 kyats pour une journée si vous négociez le taxi dans la rue, 25 à 30 000 kyats si vous passez par votre hôtel).
• Au niveau des tarifs, comptez 4 000 kyats pour l’accès au Mont Zwekabin (1 heure 30 d’ascension environ) ; 1 000 kyats pour la Sadan Cave et 1 000 kyats à nouveau pour le tour en bateau ; 3 000 kyats pour la Kawgun Cave.

Hpa-An – janvier 2019