Birmanie/Myanmar

Yangon, 5 ans après

Yangon est déconcertante. À première vue, l’ancienne capitale birmane est bordélique, défoncée, illogique. Le temps ? Lourd et humide. Le trafic ? Totalement congestionné. Les distances ? Beaucoup trop importantes pour qu’il soit possible de parcourir la ville à pied. Quant au sport local, il consiste à traverser la rue le plus rapidement possible, voie par voie, en espérant ne pas se faire renverser en chemin. Surtout qu’étonnamment les Birmans conduisent à droite, avec un volant… à droite – l’explication étant à chercher quelque part entre refus des anciens codes britanniques et importation massive de voitures et de bus japonais reconditionnés.

Il faut se rendre à l’évidence : on ne vient pas à Yangon pour faire du tourisme, ou du moins, pas comme on le ferait ailleurs en Asie du Sud-Est. Yangon n’a rien de consensuel.

Le charme de la ville est ailleurs. Et pour que la magie opère, il faut accepter de se laisser porter. Accepter de buter sur des trottoirs défoncés, de slalomer entre les étals de bétel et les vendeurs de maïs grillé. Accepter les odeurs parfois étouffantes des marchés.

Préparation bétel Yangon
Préparation du bétel dans les rues de Yangon
Rue de Yangon

Visiter Yangon est avant tout une question d’ambiance.

Alors on prend le temps qu’il faut. On arpente les rues le nez en l’air (en gardant quand même un œil à terre…), scrutant les façades des anciens bâtiments coloniaux. On longe des allées débordant de bougainvilliers, de frangipaniers et de mille fleurs colorées dont on est incapable de retenir le nom. On s’imprègne de l’atmosphère surannée du Strand et de la ferveur religieuse dans l’enceinte de la pagode Shwedagon. On se pose dans les cafés pour profiter un moment de l’air conditionné. On avance entre les piles de livres des bouquinistes autour de Pansodan street et on flâne sur les berges des lacs Inya et Kandawgyi, observant de loin les amoureux qui s’embrassent discrètement à l’abri de leurs parapluies ou de leurs ombrelles. Aux carrefours routiers partout, comme cinq ans plus tôt, des enfants circulent entre les voitures, colliers de jasmin à la main.

Pagode et bar du Strand Yangon
Portrait Yangon

En cinq ans, la ville s’est évidemment transformée. Plus de buildings, d’immeubles flambant neufs, d’hôtels de luxe, plus de centres commerciaux, ne serait-ce que grâce aux capitaux chinois et singapouriens qui depuis les années 2000 entretiennent le boom immobilier. Mais au fond, il en faut plus pour ébranler Yangon.

Yangon building

– Quelques mots d’histoire –

Pour comprendre Yangon, avoir en tête quelques éléments de contexte peut s’avérer utile. « Yangon », littéralement « fin des combats », est fondée en 1755 sur les lieux de l’ancienne « Dagon ». Au cours du XIXe siècle, placée sous domination britannique, la ville est rebaptisée Rangoun. Le nom découlerait d’une mauvaise prononciation de « Yangon » de la part des Britanniques, l’écriture de Yangon et celle de Rangoun étant absolument identiques en birman.

La ville devient alors un important port maritime et le cœur d’un État parmi les plus prospères d’Asie du Sud-Est. La Birmanie a « pour elle » d’être assise sur une véritable mine d’or, au sens propre comme au figuré. Pourtant si les possibilités de développement économique sont immenses (exportation de teck, d’or, de cuivre, d’hydrocarbures, de pierres précieuses – saphir, rubis, jade etc.), les dérives sont proportionnelles (sans compter la méthamphétamine dont le pays est aujourd’hui le premier producteur mondial).

Rangoun conservera son statut de capitale nationale après l’indépendance en 1948, avant de décliner progressivement avec l’arrivée au pouvoir des militaires en 1962. Et si Yangon, qui a depuis 1989 retrouvé son nom d’origine, n’est plus le centre politique du Myanmar, la capitale ayant été transférée à Nay Pyi Taw en 2005, elle n’en demeure pas moins le véritable poumon économique du pays.

Elle reste également le point névralgique des mouvements de protestation qui secouent le Myanmar à intervalles réguliers : protestations antigouvernementales (« révolution de safran » de 2007), manifestations étudiantes etc.

– Déambulation dans les rues coloniales –

En s’établissant à Yangon/Rangoun les Britanniques, nostalgiques du pays, décident de revoir de fond en comble l’urbanisme de la ville. Le quartier général est alors établi en bordure du fleuve Irrawaddy, selon un plan en damier devant permettre une meilleure circulation de l’air. Les anciens centres du pouvoir britannique et de nombreux bâtiments d’habitation de l’époque coloniale subsistent encore ici et là dans les rues de la « vieille » ville, pour la plupart dans un état de décrépitude avancé.

Bâtiment colonial Yangon
Hôpital de Yangon

Cette histoire plurielle a eu pour conséquence la cohabitation de communautés aux pratiques culturelles et religieuses variées. Parcourir les rues du centre-ville revient ainsi à naviguer de monastères bouddhistes en mosquées, de synagogue en églises et de lieux de culte hindous en temples taoïstes.

Le culte des esprits, les nats, reste également important dans le pays. Il n’est pas rare de trouver bols à offrandes et autels consacrés au creux des troncs d’arbre, dans les foyers ou au bord des routes, quelques fois sous des formes inattendues (noix de coco drapées, rubans accrochés au rétroviseur etc.). De quoi s’assurer la protection des gardiens ou les remercier pour leur intercession divine.

– La pagode Shwedagon –

La pagode Shwedagon, « ensemble fantastique de coupoles étranges, de voûtes torturées et d’aiguilles géantes toutes recouvertes de feuilles d’or fin » (Joseph Kessel), est probablement l’édifice religieux le plus célèbre du pays. Pourtant plus qu’aux ors du stupa et aux couleurs des temples, le caractère magnétique de Shwedagon doit surtout à l’atmosphère envoûtante des lieux au petit matin et à la tombée du jour, lorsque la foule se presse au milieu des vapeurs d’encens.

Pagode Shwedagon
Pagode Shwedagon
Shwedagon pagoda
La pagode avant travaux, en 2013

C’est également à Shwedagon qu’Aung San Suu Kyi prononça son premier discours politique en 1988.

– Le train « circulaire » –

En janvier 2019, il n’était plus possible d’emprunter le train circulaire d’un bout à l’autre de la ville en raison d’importants travaux de rénovation engagés sur les voies. Néanmoins, un train assurait toujours la liaison entre le centre de Yangon et la ville d’Insein, en 1 heure à 1 heure 30 de trajet en fonction des arrêts.

Sauter dans un train de banlieue pour découvrir les « à côtés » d’une métropole peut sembler une idée improbable (pas sûr que beaucoup de touristes choisissent de passer volontairement une après-midi dans le RER A…). Pourtant le poste d’observation est idéal pour « prendre la température » de la ville, s’imprégner du rythme de vie de la population et de l’atmosphère étrange de ces vieux wagons qui, pour beaucoup, ont conservé graffitis, panneaux d’information et indications directionnelles en japonais. Les vendeurs de clémentines, d’œufs et de bétel vont et viennent dans les rames, les immenses paniers des femmes savamment maintenus en équilibre sur leur tête.

Gare Yangon

Pour terminer, on profitera de notre séjour à Yangon pour retrouver les amies rencontrées cinq ans plus tôt lors de ces quatre semaines de 2013 passées en stage auprès de l’ONG locale Colorful Girls. On retrouve d’abord Auntie Soe Soe, la propriétaire du Bike World qui nous accueille avec un tonitruant : « Fannyyyyy, are you an ambassador now? ». Et puis Ma Ni et May Mrat San.

Le temps est vraiment une donnée toute relative à Yangon.


Visiter Yangon : conseils pratiques

Une chambre

On est resté deux nuits au Bike World Hotel du côté de Inya Lake, avant de déménager pour le Shwe Yo Vintage Hostel dans « Downtown ». La première adresse permet de profiter du calme du nord de la ville mais le rapport qualité/prix laisse un peu à désirer. La seconde est un repère de backpackers très propre et bonne ambiance.

Une cantine

En vrac on a adoré Wai Wai’s Noodle place, au nord de Shwedagon, Shan Kitchen à l’ouest de la gare centrale, la Rangoun Tea House sur Pansodan et le café du Strand !

Achats/artisanat

Vous trouverez un artisanat de très belle qualité chez Hla Day (Pansodan street) et Pomelo (Thein Phyu road). On est également tombé par hasard sur une boutique de tissage extraordinaire, Sone Tu, rue Bogalay Zay à deux pas du Secretariat. Enfin, reste l’incontournable marché Bogyoke Aung San (du nom du héros national, père d’Aung San Suu Kyi et de l’indépendance birmane) où vous pourrez dénicher à peu près tout et n’importe quoi.

Pomelo shop Yangon
Photos – ©Pomelo

Découvrir Yangon différemment

La Pansodan Gallery recèle de trésors et vous pourrez y dénicher aussi bien des toiles d’artistes locaux que d’anciennes affiches ou cartes postales. Autre option, si vous visitez Yangon à l’automne, faites un tour au Wathann Film Festival en septembre ou au Memory Festival en novembre. Enfin, si vous souhaitez en apprendre davantage sur l’histoire de la ville et sur son patrimoine, plusieurs associations proposent des tours passionnants de Yangon. Pour une question de budget on a opté pour le Free Yangon Walks plutôt que pour le Yangon Heritage Trust, mais quelle que soit l’option choisie, l’expérience vaut le coup !

Yangon – janvier 2019

3 Comments

  • Françoise B

    Épatée par ce blog, la justesse des mot, la foule d’informations, la beauté des photos. Il ne manque plus que son et odeurs. Qu’une envie : partir !
    Bravo et merci pour ce partage

  • Cécile

    Coucou Fanny.
    Super cette visite grâce à votre blog, tout en étant dans mon canapé avec -7 dehors et de la neige !! 😉
    Merci et bonne continuation. Bises

  • Badette (Berretrot)

    Superbe ! Les photos, les commentaires… Mais c’est aussi avec plaisir que l’on vous voit : Jean-François: Tu n’as plus rien d’un touriste, totalement intégré dans ce lieu ! Fanny, j’ai reconnu ton amie rencontrée il y a cinq ans et retrouvé la photo correspondant au 1/09/2013 !

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