Japon

Kanazawa

Il pleut à Kanazawa. Une chaude pluie d’été, discontinue. Une pluie assez habituelle semble dire le grand dôme parapluie de la gare. Une pluie tout ce qu’il y a de plus banal si l’on prête l’oreille à ce prétendu proverbe local : « Tu peux oublier d’emporter ton déjeuner mais n’oublie jamais ton parapluie ».

La ville vibre ce jour-là d’une agitation particulière. Il y a quelque chose d’électrisant dans l’air, qui n’est cette fois pas imputable aux caprices météo. Au coin d’une rue, des enfants et des ados trempés s’élancent sur l’asphalte sous les flashs des photographes.

Petit à petit, la foule grossit. Les gens se pressent le long des stands de nourriture dressés de part et d’autre de la route ; la musique résonne à travers les buildings, emplit la ville. La journée file ainsi, engloutie par le matsuri1Festival traditionnel estival.

Une échappée entre deux défilés permet d’aller jeter un œil au Musée d’art contemporain. Le jeu époustouflant sur les volumes, les lumières, les larges baies vitrées et les déambulations courbes explique que cette prouesse architecturale, signée SANAA (le duo a remporté le prix Pritzker en 2010), ait trouvé un écho considérable dans les publications design internationales.

La « fausse » piscine, l’une des œuvres phares du musée, signée Leandro Erlich

Et puis c’est de nouveau l’agitation joyeuse du centre-ville. Les défilés ont cessé, les routes servent à présent d’immense piste de danse nocturne – jusqu’à ce qu’une heure plus tard tout soit terminé. Rangé, plié, nettoyé. La circulation reprend son court normal, comme si de rien n’était. Ce genre de choses dont le pays a le secret…

Le lendemain, la pluie a définitivement passé son chemin. À l’image des masques du théâtre nô, art auquel la ville a depuis longtemps attaché son nom et qui, pour un seul personnage, permettent de déployer une gamme immense d’émotions, Kanazawa offre des visages bien différents selon l’angle sous lequel on la regarde. Outre ses audaces contemporaines et ses œuvres d’art expérimentales, elle est tour à tour geisha ou samouraï, aristocratique et fantasque, et surtout le cadre d’un des « plus beaux jardins » du pays. Kanazawa n’a peut-être pas un nom qui porte loin hors des frontières de l’archipel, elle a pourtant tous les atouts d’une grande dame.

– Higashi-Chaya Gai –

L’ancien quartier des « maisons de thé » (chaya) était celui des geishas, chargées de divertir la haute société de l’époque. L’architecture traditionnelle a été préservée, à l’image des larges treillis de bois (kimusuko) qui permettaient de dérober aux regards des passants l’intérieur des maisons. Certaines machiya, ces riches maisons urbaines en bois, se visitent toujours. Et même si l’on n’y entend plus les notes du koto ou du shamisen, l’environnement n’en reste pas moins profondément évocateur.

– Naga-machi

Autre quartier relativement épargné par les aléas de l’histoire : Naga-machi, le quartier des samouraïs. Sous la tutelle du clan Maeda, à partir du XVIe, la ville prospéra tant et si bien qu’elle en devint l’une des plus puissantes du Japon. Les samouraïs au service du clan profitèrent de ces années fastes pour se faire construire des résidences grandioses – dont plusieurs se visitent encore.

– Korakuen –

La passion nationale pour les classements de toutes sortes frappe ici encore et si vous évoquez Kanazawa avec un Japonais, il est probable que la première image qui lui traversera l’esprit sera celle du Korakuen. À raison : le jardin est classé parmi les trois plus beaux du pays. Dans mon esprit à moi, et probablement parce que le temps a passé, reste l’impression générale d’un jardin immense, beau à n’en pas douter mais aussi bondé. Disons seulement qu’en plein mois d’août, le sentiment de quiétude n’y était pas particulièrement prononcé…

Kanazawa – août 2010

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