Italie

Italie plurielle – Frioul côtier, Vénétie Julienne

Parler de « Vénétie Julienne » c’est faire allusion à des territoires disparates qui ne semblent tenir ensemble que par la seule force administrative, sans réel ciment géographique ni historique. Des territoires aux identités plurielles.

Si la région fut en grande partie façonnée par des siècles de domination vénitienne (XVe/XVIIIe), elle fut aussi un lieu d’achoppement entre Italie et Empire austro-hongrois, avant d’être happée par la Yougoslavie.

Difficile, résultat, de savoir à quel monde appartiennent les lieux traversés.

Fenêtres fleuries Aquileia

– MARANO LAGUNARE –

Marano Lagunare serait le seul village du Frioul où résonne encore le dialecte vénitien, en lieu et place du frioulan. Depuis quelques mois, un arrêté municipal est venu interdire la baignade dans les canaux qui jouxtent le village. Comme toutes les années passées pourtant, les serviettes ont été consciencieusement dépliées le long des berges de la lagune et les corps enduits de crème solaire. Seulement, à défaut de se jeter à l’eau, les anciens baigneurs étendus sur l’herbe se contentent désormais de contempler le va-et-vient des bateaux de pêche. À deux pas, une cahute festive sert de lieu de rendez-vous aux gars du coin : gros bras en bleu de travail, peintres délicatement parfumés aux vapeurs d’ether et pêcheurs en bottes. L’Aperol, ici, se fout royalement d’être frioulan ou vénitien.

Marano Lagunare
Marano Lagunare canal

– AQUILEIA –

On gagne Aquileia sous un soleil brûlant. Le long de la route se dessinent les contours de l’ancien forum : quelques ruines éparpillées autour d’une allée de cyprès, rappelant timidement la grandeur d’une cité jadis parmi les plus prospères de l’Empire romain.

Basilique Aquileia
Basilique patriarcale : l’un des grands foyers de diffusion du christianisme à travers l’Europe Centrale au Moyen-Âge

Mais à Aquilée c’est aussi, et peut-être avant tout, vers la basilique patriarcale que les regards convergent. Quelques fresques de toute beauté et deux des plus grandes mosaïques paléochrétiennes d’Europe occidentale se cachent entre les épais murs de pierre de l’édifice, à l’abri de la chaleur – immenses partitions poétiques cousues de milliers et milliers de minuscules carreaux multicolores.

Mosaïque Aquileia
Mosaïques Aquileia
Fresque Aquileia
Basilique Aquileia
Mosaïque Aquileia
Aquileia crypte
Crypte des fresques, XIIe siècle

– CAP VERS TRIESTE –

Le décor devient de plus en plus minéral à mesure que l’on met cap à l’est. La « marche julienne » se déploie une fois franchi l’Isonzo, région du Carso et de l’Istrie tout à la fois italienne, slovène et croate. De Sistiana à Trieste, le front de mer est une succession de falaises karstiques. La route côtière serpente entre châteaux et vignes. Faute de plages, les Triestins ont pris possession de l’asphalte : pas un mètre carré qui ne soit squatté par les serviettes de plage, le béton brûlant remplaçant le sable blanc inexistant.

Strada Vicentina/Napoleonica, voie piétonne et cycliste serpentant d’Opicina au château de Miramare
Gare de Miramare
Château de Miramare Italie
Mer et château de Duino Italie
Château de Duino Italie
Sentier Rilke, de Sistiana au château de Duino

Au détour d’un virage apparaît finalement Trieste, bout d’Italie adriatique coincé entre la mer et le Carso. L’œil capte d’abord les grues des chantiers navals, le gris des installations portuaires et le bleu de la rade, à moins que ce ne soit l’inverse. La voiture plonge vers la ville, dévale les collines, file entre les habitations et les chênes verts pour déboucher dans l’immense chaos d’un centre-ville sur-saturé.

Vue sur Trieste et la mer
Vue de Trieste

Trieste est multiple et déconcertante, italienne sans l’être jamais vraiment, viennoise aussi très certainement – sans qu’on puisse l’affirmer, aucun de nous n’a jamais mis les pieds à Vienne.

Autour de Trieste tournoie une multitude de noms évocateurs, d’anecdotes et d’images séduisantes, corsetant la ville à n’en plus pouvoir : Mittleuropa, bora hivernale, James Joyce, Ily, capuccino in bicchiere (« capo in B »).

Monument Trieste
Monument Trieste
Monument Trieste
Café Trieste
Cafe Tommaseo Trieste
Café Tommaseo
Statues Trieste
Canal Trieste
Canal Trieste

Trieste est une ville maritime, une ville de passage et de frontières. Majestueuse dans le déroulement de ses places et de ses avenues et pourtant furieusement populaire. Bourgeoise. Pas à une contradiction près. Désordonnée, bordélique, encombrée.

La chaleur estivale accable la ville qui, incapable de fermer l’œil, se déverse tout entière dans les rues une fois la nuit venue.

Canal Trieste
Bâtiments Trieste
Auto jaune Trieste
Fenêtres Trieste

– CARSO TRIESTINO –

Val Rosandra Italie

Le plateau karstique (carso triestino) court tout autour de la ville. Le refuge Mario Premuda, dissimulé au bout des ruelles de Bagnoli, marque le point de départ des randonnées dans le val Rosandra. Le refuge jouit du titre glorieux et inutile de refuge le plus bas du CAI (Club Alpin Italien), mais d’un emplacement fantastique pour échapper à la fournaise estivale. Les promeneurs ont pourtant tellement chaud qu’aucun ne prend la peine de quitter les bancs ombragés. Certains font mine de se mettre en route, embarquent casquettes, poussette et bouteilles d’eau, avant de revenir moins d’une heure plus tard, abrutis par le soleil. À la table d’à côté, un groupe de motards descend une cargaison de bières Moretti, déclinées localement alla Friulana.

Il nous faut à nous aussi quelques heures avant de réajuster les sacs à dos sur des t-shirts trempés et prendre la direction de la Vedetta di Mocco puis, vite, vite redescendre finir l’après-midi chez ce bon vieux Premuda, où le stock de Moretti continue de diminuer.

– MUGGIA –

Muggia est la dernière incursion vénitienne à la lisière croate, seul port encore italien de la péninsule d’Istrie. Les cartes sont au diapason : pasta alle vongole, poissons, plateaux de fruits de mer. Après une heure d’âpres négociations, on est bon pour retourner manger une pizza sur Trieste. Un comble. Ainsi va l’insouciance des vacances italiennes…

Eglise Muggia Italie
Port de Muggia Italie

Pour le premier volet des aventures frioulanes : rendez-vous ici.

Frioul Vénétie Julienne – août 2016

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